Ceci est le premier article officiel de ma contribution au comité de rédaction du site infirmiers.com. Pour l’occasion, j’ai créé une nouvelle catégorie dans ce blog et l’ai nommé « Rapports aux soins ». Cette nouvelle catégorie trouvera naturellement sa place au côté des autres. Quelques uns des billets déjà commis sur ce blog ont d’ailleurs déjà été relayés sur infirmiers.com. L’officialisation de ma démarche fait suite à une rencontre fort intéressante avec les membres de ce comité et qui a donné un sens plus clair à ma contribution.

En tout état de cause, vous constaterez chers lecteurs fidèles, que les billets que je rédigerai dans le cadre de cette contribution, restent complètement dans la ligne éditoriale de ce blog, à savoir les relations humaines et la communication. Seuls la cible de mes propos changera pour laisser une place de choix à mes collègues infirmières dont le quotidien est loin d’être de tout repos.

À la croisée des mondes

Je pense ne rien vous apprendre en avançant que le métier d’infirmier (pour mémo ma formation et profession initiale) est composé d’une part non négligeable (mais parfois négligé) de relations humaines et de communication. Les notions et regards que je porte sur ces domaines qui me sont chers peuvent facilement être transposé d’un univers professionnel à un autre; Que ce soit dans le monde de l’entreprise (que je côtoie actuellement), dans les services de soins (que j’ai côtoyé pendant une dizaine d’années) ou aux domiciles des patients (que je fréquente encore),  le dénominateur commun de ces différents mondes est bel et bien l’Humain qui les composent et avec lui toute la richesse et la complexité de ses rapports aux autres, à lui-même et à l’environnement qui l’entoure.

Mais bon, assez blablaté sur cette nouvelle fenêtre qui s’ouvre sur le monde soignant, passons au sujet de cette semaine.

Quoi de mieux pour débuter une nouvelle aventure que de commencer par ce que je considère être la genèse de toute forme de relation, je pense à… un regard.

Avant même le sourire (ou alors en même temps), avant même l’accueil inconditionnel (dont il fera quand même parti), avant même de dire bonjour, le regard est ce qui relie un soignant à un patient lors de leur première rencontre.

Un lien invisible …mais tellement palpable

Le regard est ce qui relie deux personnes qui l’échange. Je vois cela comme une connexion au web, en wifi bien sûr. En effet, pour se connecter à un réseau existant, il faut que ce dernier soit avant tout visible et donc que nous ayons un « regard » sur lui.

Une autre métaphore plus « écolo » me vient en écrivant :-). Ce lien qui se créé dès qu’un regard est échangé, est à la relation ce que la graine est à l’arbre; sa source de vie.

Bien sûr, il faudra arroser cette graine, entretenir la jeune pousse, prendre soin d’elle (car au début elle est fragile), lui fournir de temps en temps de l’engrais afin de renforcer ses racines et sa croissance, bref faire en sorte que l’arbre devienne beau, grand et fort.
Cela peut prendre du temps, mais le résultat sera au rendez-vous. Un arbre solide permet que l’on s’y appuie, que l’on s’y abrite, certains donnent des fruits pour nous nourrir et nous rafraîchir, d’autres traversent les siècles et ne connaissent pas le temps qui passe, et surtout, tous nous fournissent l’oxygène nécessaire à notre survie.

Après ce petit délire métaphorique que j’affectionne particulièrement, revenons directement au sujet de ce billet, le regard.

Imaginez tout ce qui peut passer en terme de messages implicites dans un regard, en fonction de sa nature, de son « style ». Et comme nous l’avons vu dans un précédent billet, le risque de la méthode implicite est qu’elle peut devenir source d’interprétation et de « montage de films intérieurs » de la part de celui qui reçoit le message. Regard franc, regard fuyant, regard agressif, regard bienveillant, regard timide, regard amoureux, regard furtif, etc. Il y en a pléthore.

Tous ces qualificatifs sont bien entendu de l’ordre de l’interprétation. Un regard franc pour quelqu’un sera perçu comme agressif pour un autre. De même, un regard timide pour quelqu’un passera pour un regard fuyant pour un autre qui sera aussitôt targué de manquer de sincérité. Bref, c’est la confusion des genres.

Aussi, prendre juste conscience de l’impact que peut avoir notre regard porté sur un patient peut éviter bien des déconvenues de toute nature.

Le silence

Avant de clore ce billet, je souhaiterais partager avec vous ce qui me semble être la raison d’être d’un regard; Je pense au silence qui peut l’accompagner. Je ne vais pas revenir sur cette idée que j’ai déjà développé il y a quelques mois dans ce blog, mais plutôt vous montrer en quoi le silence et le regard sont lié.

Vous avez peut-être entendu de la part de deux personnes très proches relationnellement parlant (un couple, une fratrie, de très bon(ne)s ami(e)s, des collègues de travail de longue date, etc.) un constat du genre:

« Nous n’avons plus besoin de nous parler, un regard et ça suffit« 

Ce type de résultat me fait penser que la boucle est bouclée. La relation entre ces deux personnes s’est tellement bien développée que leur communication et leur compréhension l’un de l’autre passe uniquement par leur regard, nourrit lui-même par… le silence.

En tant que soignant, si la communication verbale est nécessaire d’un point de vue technique et logistique, je pense que ce qui se joue dans la relation soignant / soigné passe avant tout par la présence du soignant à l’instant où il EST avec son patient.

Et quoi de mieux qu’un regard porté avec bienveillance, accompagné d’un silence accueillant pour ÊTRE dans le soin?

À La semaine prochaine