J’ai été sollicité il y a quelques temps par une étudiante en soins infirmiers dont le sujet du mémoire de fin d’étude portait sur la PNL et la relation d’aide. Je partage aujourd’hui avec vous, chers lecteurs, les quelques questions qu’elle m’a proposées par écrit afin de contribuer à son travail et les réponses que j’ai pu lui fournir.

Le sujet exact de ce mémoire est: « En quoi l’acquisition d’un savoir-faire par la PNL permettrait de palier ou de dépasser un manque d’expérience et un manque de prédisposition à agir afin d’établir une relation d’aide efficace avec le patient« 

1/ Personnellement, quels éléments vous semblent indispensables pour mettre en place une relation d’aide efficace en terme de communication?

Il y a effectivement plusieurs éléments nécessaires pour qui souhaite établir une relation d’aide efficace et, de façon plus globale, pour qui souhaite communiquer avec tout un chacun.

  • Établir le rapport à l’autre. C’est-à-dire créer une relation de confiance, de reconnaissance réciproque et de sécurité. Le message implicite de cette démarche serait « Je suis là pour t’aider en toute bienveillance, respect et sécurité ». Ce rapport passe en priorité par la notion d’accueil inconditionnel que je décrirai plus bas.
  • Accepter le cadre de référence de son interlocuteur. En PNL, cela s’appelle « la carte du monde ». Nous avons chacun une carte du monde différente, construite depuis notre enfance en fonction de notre culture, éducation, environnement, expériences et inspirations diverses. Elle est donc aussi unique que nos empreintes digitales. Le fait de prendre conscience que notre modèle du monde (une autre façon de la nommer) ne corresponde pas à celui de notre interlocuteur est une première étape importante. La seconde étant d’accepter justement que ce qui fait partie de sa carte du monde correspond à SA réalité. L’idée pour commencer à établir le rapport est alors de s’intéresser à ce qui fait partie de son cadre de référence.
    Pour un patient, c’est donc dès son arrivée dans le service et lors de l’entretien d’accueil que cette action est mise en place. Cela va bien plus loin que le traditionnel« Vous avez un régime ? » 🙂
  • Se sentir responsable de la qualité de la communication. En tant que soignant, j’ai la responsabilité de me faire comprendre. Si le message que j’ai voulu donné n’est pas reçu (ou partiellement) alors je devrais m’y prendre autrement pour continuer à maintenir la relation. Ceci nous amène au point suivant.
  • Faire preuve de flexibilité. Se montrer souple dans la relation à l’autre est essentiel pour aller loin dans les échanges. C’est un peu l’histoire du roseau qui plie au vent mais ne rompt jamais. Dans la relation soignant/soigné il s’agit alors de se montrer souple à l’intérieur d’un cadre de soin qui, lui, peut être plus ferme (respect des règles et normes de services par exemple)
  • Écouter. S’il n’y avait qu’une seule chose à faire pour être efficace dans la communication ce serait bien ça. Écouter c’est non seulement entendre les mots que prononcent le patient, mais aussi (et surtout) la façon dont il les dit, l’émotion qu’il ressent, les signes qu’il montre au moment où il parle. Écouter, c’est donc être à 100% connecté à lui aussi bien au niveau cognitif, que somatique et relationnel.

2/ Quelles sont les difficultés et contraintes que vous rencontrez le plus fréquemment dans une relation d’aide avec le patient? (pour vous auparavant)

Je dirais que les principales difficultés et contraintes que je rencontre (encore maintenant) viennent essentiellement de moi. Pour différentes raisons (plus ou moins bonnes 🙂 ), il m’arrive d’être plus fatigué, donc plus sensible aux aléas de la relation. De là, mon écoute peut être plus relâchée, ma capacité à maintenir le rapport un peu plus altérée et de fait, la relation d’aide sera de moins bonne qualité.

Là encore, l’idée est de rendre explicite quelque chose qui est de l’ordre de l’implicite. Plutôt que de laisser le patient élaborer des scénarios déformés par leur perception (ce qui est humain), j’explique et partage mon ressenti du moment. Je peux alors maintenir une relation de confiance et simplement différer le moment où je serai plus « présent ».

3/ Selon vous, quelles peuvent être les conséquences du manque d’expérience dans l’exercice de la relation d’aide ?

Cette question est très pertinente. En effet, l’acquisition du binôme savoir-faire et savoir-être adapté à la relation d’aide demande non seulement de la formation mais aussi et surtout des allers-retours entre la pratique quotidienne et la remise en question personnelle (développement personnel, supervision professionnelle, thérapie, etc…)

Pour répondre le plus simplement à votre question, voici quelques conséquences possibles que j’identifie (par expériences et/ou observations) :

  • Passer à côté de ce qui est important pour le patient
  • Se sentir visé personnellement lors d’un comportement inadapté
  • Générer du stress, de l’anxiété, de la colère ou de la peur chez le patient
  • Rentrer dans des jeux psychologiques du type « triangle de Karpman »
  • « S’oublier » dans la relation d’aide. C’est-à-dire courir le risque de ne pas être à l’écoute de ses propres besoins et ainsi altérer sa santé psychique. Le burn-out est une notion malheureusement bien connue des soignants.

4/ Vous êtes-vous un jour retrouvé dans une situation dans laquelle votre prédisposition à agir et votre expérience professionnelle vous sont paru insuffisantes?

C’est étonnant de voir comment le cerveau fonctionne (le mien en tout cas). J’ai eu beaucoup de difficultés à répondre à cette question. Non que je n’aie jamais connu de situations où je me suis senti limité dans mon champ de réponses, mais j’ai l’impression de les avoir « oubliées » ou, plus justement, intégrées dans mon fonctionnement actuel.

En cherchant bien, il y a effectivement une situation que j’ai perçue comme un accident relationnel et qui s’est terminée par une rupture de prise en charge.

Il s’agissait de la prise en charge à domicile d’un patient paraplégique pour une surveillance et prévention de complications liées aux points d’appuis (rougeurs, érosions cutanées ou escarres). Si au début, la relation était de qualité, au bout de quelques mois, elle commençait à se détériorer. L’enjeu de ce changement était précisément… un changement. Celui d’un horaire de passage pour les soins. Le patient n’acceptait pas ce changement et malgré les différentes options que nous lui proposions, le refus était constant. Nous en sommes arrivés à une rupture de prise en charge et avons « passé la main » à des collègues sur le même secteur.

5/ Avez-vous éprouvé dans ce cas le besoin d’aller chercher d’autres outils, méthodes, connaissances pour y remédier ?

Non, car c’était un cas exceptionnel. Ce que je peux partager pour répondre à cette question est d’orienter ma réponse d’une manière plus globale concernant le modèle de la PNL ainsi que d’autres approches et ce qu’elles m’ont apporté dans ma pratique.

– Vers quelles méthodes?

Il y a donc la PNL qui est ma base de fonctionnement, mais aussi l’approche systémique, la communication non violente et le coaching qui est une profession ayant structuré ces différentes méthodes (et bien d’autres encore) pour répondre à des besoins de changements d’ordre personnel, professionnel ou organisationnel.

– D’une part qu’est-ce que cela vous a apporté et d’autre part qu’est-ce qu’elle pourrait apportée à la relation?

Pour revenir à la PNL qui est le sujet de votre mémoire, je dirais qu’elle m’a fait évoluer dans ma relation à l’Autre… et à moi. J’avais déjà acquis de l’expérience relationnelle lors de mes années passées en secteur spécialisé psy, mais l’apport de la PNL m’a donné une vision plus globale de l’être humain et de son fonctionnement. J’y ai aussi identifié mes propres processus internes, les limites et blocages que je m’étais créés et les ressources que je possède pour les dépasser.

Mais avant tout cela, je considère la PNL nettement plus qu’une méthode ou un outil technique. Pour moi, elle est avant tout un modèle pour établir des relations de qualités avec autrui et communiquer de façon la plus efficace possible.

Au niveau relationnel, elle peut apporter :

  • Une meilleure compréhension de l’autre
  • Un langage adapté à la situation
  • Une meilleure acuité sensorielle
  • Une flexibilité permettant la création de nouveaux choix
  • Un climat de confiance, de respect et de sécurité
  • Une écologie de soi, de l’autre et du système que nous formons lorsque nous sommes en interaction.

– Quels ont été les bénéfices pour le patient, selon vous ?

Je pense que le principal bénéfice pour un patient est qu’il se sent écouté et compris dans sa difficulté du moment. Cela pourra considérablement apaiser son anxiété liée à sa situation et il se sentira en sécurité. En fait je suis sûr que beaucoup de soignants pratiquent la relation d’aide en « mode PNL » sans vraiment le savoir.

De façon plus spécifique et un peu plus « technique » je pense que certains protocoles propres à la PNL pourraient les aider à mieux appréhender des examens potentiellement anxiogènes (IRM, ponctions lombaires, fibroscopie, etc…), ou aider à la préparation avant le passage au bloc.

 Et pour vous donner un exemple concret vécu lors de mon activité libérale, je devais réaliser un protocole d’antibiothérapie classique par voie intra-musculaire pour une patiente ayant contracté une grosse grippe. Le problème était que cette patiente avait une peur panique des piqûres, à la limite de la phobie. C’était donc mal partie pour l’IM :-). Avec son accord, j’ai donc passé du temps avec elle pour l’aider à diminuer son niveau de stress face à cet acte de soin. Cela fut suffisant pour conduire le protocole d’ATB jusqu’à son terme.

– Y voyez-vous des limites dans son champ d’application ? (Sur cette question j’attends de vous que vous puissiez me parler de la PNL, et vous pouvez aussi me parler d’autres méthodes s’il y en a eu d’autres)

Si nous restons dans le domaine de la santé et du soin, je pense que la PNL ne peut pas et ne doit pas se substituer aux soins médicaux classiques. Je dis cela car il y a malheureusement des charlatans illuminés qui se sentent investis d’un pouvoir suprême et prétendent « tout  soigner » avec la PNL. Or, je le dis et le répète, la PNL ne soigne pas. Elle permet de développer certains potentiels inexploités, de mobiliser des ressources déjà présentes en chacun de nous, et surtout d’être en relation à l’Autre.

Dans le champ du développement personnel, je crois que les seules limites qui existent sont celles que nous nous mettrons.  Cette approche est très intéressante pour celui ou celle qui a un désir ou un besoin de changement dans un secteur de sa vie.

Il y a bien sûr d’autres approches toutes aussi intéressantes. Je pense notamment à l’analyse transactionnelle que je ne connais que superficiellement mais que je sais être largement consacrée aux relations humaines. Le triangle de Karpman que j’ai évoqué plus haut en est un exemple.

Toute la philosophie et les apports de l’école de Palo Alto sont aussi d’une très grande richesse pour la compréhension de l’être humain dans son environnement et dans ses relations. C’est l’approche systémique.

6/ Quels conseils donneriez-vous à une jeune diplômée pour la mise en place d’une relation d’aide satisfaisante pour le patient et le soignant?

Pas facile de donner des conseils alors que le principe même du métier de coach est justement de ne pas en donner :-). Mais étant donné qu’avec cette contribution à votre TFE je suis aussi dans mon rôle d’infirmier, je vous propose un petit mélange des genres.

Quelques conseils (d’après moi) pour la mise en place d’une relation d’aide satisfaisante pour le patient et le soignant :

  • Mettre en place un accueil inconditionnel. C’est-à-dire sans aucun préjugé, idée reçue, parti pris ou subjectivité. L’objectif est d’accueillir l’autre dans toute la globalité de sa personne, quelles que soient ses origines, ses comportements, son histoire, ses préférences, ses convictions etc… Pour contre-exemple, combien de fois ai-je entendu en service de soins traditionnels des soignants étiqueter un patient de « psy » dès qu’il montrait un comportement « anormal » ou pire, lorsqu’il venait justement d’un service de psychiatrie. De là, le comportement même des soignants changeait lorsqu’ils entraient dans sa chambre et généraient, de fait, une amplification du comportement en question.
  • Écouter le patient à tous les niveaux de communication (verbal, para verbal et non-verbal), au niveau de ses émotions et ressentis ainsi qu’au niveau de la relation qui existe entre lui et le soignant. Et pour faire court (ça changera un peu 🙂 ), je dirais qu’écouter c’est d’abord et avant tout… se taire.
  • Être le plus au clair possible avec ses propres schémas de fonctionnement afin de proposer une relation d’aide saine et « de pleine conscience ». Il s’agit ici  d’éviter tant que possible les jeux psychologiques de type « sauveur, victime, persécuteur ».
  • Être souple dans la relation. Si une méthode ne fonctionne pas pour faire passer un message, l’idée est alors d’essayer autre chose plutôt que de dire à nouveau la même chose plus fort ou plus vite ou plus violemment.
  • Respecter sa propre écologie de soignant. Je pense en effet qu’il est important de prendre soin de sa santé psychique notamment en étant à l’écoute de ses besoins et ressentis. Une relation d’aide efficace passe avant tout par la disponibilité physique et psychique de celui qui propose cette aide. J’ai aussi conscience que le contexte actuel des services de soins ne permettent pas facilement de répondre à cette option.

Je vous propose aussi quelques pistes à explorer sous forme de questions dont les réponses pourront s’envisager comme des conseils personnalisés pour toute jeune diplômée qui y répondra. D’ailleurs, peut-être les avez-vous déjà explorées dans votre enquête de terrain ?!

  • Qu’est-ce qu’une relation d’aide pour vous ?
  • Comment saurez-vous que vous êtes dans une relation d’aide satisfaisante ?
    – Que pensez-vous ?
    – Que voyez-vous ?
    – Qu’entendez-vous ?
    – Que ressentez-vous ?
  • Comment saurez-vous que vous n’y êtes pas ?
  • Attendez-vous quelque chose de la relation d’aide ?
    – Si oui, quelles sont ces attentes ?
    – Si ces attentes ne sont pas satisfaites, que ressentez-vous ?
  • Qu’est ce qui pourrait vous empêcher d’être dans une relation d’aide satisfaisante ?
    – De quoi auriez-vous besoin alors, et qui ne dépende que de vous ?
    – De quelles ressources disposez-vous pour obtenir ce que vous souhaitez ?
    – Comment pourriez-vous alors les mobiliser pour établir une relation d’aide satisfaisante ?
  • Comment vous y prendriez-vous pour saboter une relation d’aide ?
  • Quel serait l’environnement propice à une relation d’aide satisfaisante ?
    – Lieux, temps, avec qui, avec quoi ?
  • Quels comportements adoptez-vous pour favoriser la relation d’aide ?
  • Comment faites-vous pour adopter ces comportements ?
  • Qu’y a-t-il d’important pour vous dans la relation d’aide ?
  • Quelles sont les valeurs que vous mobilisez quand vous êtes dans la relation d’aide ?
  • Comment vous définiriez-vous en tant que soignant(e) responsable d’une relation d’aide ?
    – Y-a-t-il une image, un symbole qui vous identifierait ?
  • Quel sens donnez-vous à la relation d’aide ? En quoi cela peut contribuer à votre mission en tant que soignant(e) ?
  • Quelle serait la toute première action, si petite soit-elle, que vous pourriez accomplir pour mettre en place une relation d’aide satisfaisante ?

Voilà pour cette contribution. je dois dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à rédiger ces réponses car j’aime faire le point de temps en temps sur les bases de la relation à l’autre et avoir eu l’opportunité de transmettre quelques-unes de ces notions fut très enthousiasmant.

A la semaine prochaine.