Voici que se termine la série des trois piliers du management avec l’accent mis aujourd’hui sur savoir dire merci. Je rappelle que ce triptyque a été conçu en référence à une conférence qu’a tenue le philosophe André Comte Sponville dans une école de management. Sa conclusion rappelait trois fondamentaux du management (qui entre nous peuvent se retrouver aussi ailleurs et partout) que sont « savoir dire bonjour », « comment ça va » et donc ce que nous allons voir aujourd’hui, « merci ».

Si Berne m’était conté…

Oui, une nouvelle fois je fais référence au Dr Éric Berne, fondateur de l’analyse transactionnelle, pour qui l’un des besoins fondamentaux (qu’il appelait « soif ») était le besoin de reconnaissance.

Quoi de plus simple et basique sur l’échelle de la reconnaissance que de savoir dire merci ?

N’est-ce pas, d’ailleurs, l’un des premiers mots (avec le « bonjour » vu dans le 1er billet) que vos parents vous ont appris à dire quand vous receviez quelque chose (un objet, un service) de la part d’une autre personne ?

« Que est-ce qu’on-dit ??? » presque en un seul mot et sur ton de voix mi-normatif mi-nourricier, est probablement la question la plus récurrente que les parents posent à leurs jeunes enfants. Et ces derniers de répondre un « merci » quasi pavlovien pour se débarrasser de la corvée, faire plaisir à papa ou maman et profiter de l’objet fraîchement acquis.

Pour revenir à la soif de reconnaissance de feu Éric Berne, elle se décline sous plusieurs formes :

  • se sentir reconnu dans ce que l’ont est
  • se sentir reconnu dans ce que l’on fait
  • se sentir reconnu dans ce que l’on dit
  • se sentir reconnu dans ce que l’on ressent (ressentis)
  • se sentir reconnu dans ce que l’on éprouve (émotions)
  • se sentir reconnu dans les relations que l’on a

Bref, savoir dire merci revient, en d’autres termes, à reconnaître l’Humain en face de soi, dans toutes les dimensions qui le composent.

Les remerciements de Marc Aurèle*

Parmi les grandes figures de l’histoire, certains n’en sont pas moins reconnaissants vis-à-vis des personnes de leur environnement, de leurs maîtres à penser ou parfois d’entités divines, qui les ont conduits à être ce qu’ils ont été. Marc Aurèle était de ceux-là.

Voici un extrait du 1er des 12 volumes de son oeuvre « Pensées pour moi-même » (il pensait beaucoup Marco 🙂 ) où savoir dire merci prend un sens très puissant compte tenu du personnage.

“Exemples que j’ai reçus de mon grand-père Vérus : la bonté et la douceur, qui ne connaît point la colère.
Du père qui m’a donné la vie : la modestie et la virilité, du moins si je m’en rapporte à la réputation qu’il a laissée et au souvenir personnel qui m’en reste.
De ma mère : la piété et la générosité […]
À mon bisaïeul, je suis redevable de n’avoir point fréquenté les écoles publiques, d’avoir profité dans ma famille des leçons d’excellents maîtres, et d’avoir appris par moi-même que, pour l’éducation des enfants, il ne faut ménager aucune dépense.
À mon gouverneur […] à endurer la fatigue, à restreindre mes besoins, à faire beaucoup par moi-même, à diminuer le nombre des affaires, et à n’accueillir que très difficilement les dénonciations.[…]
À Rusticus, j’ai dû de m’apercevoir que j’avais à redresser et à surveiller mon humeur […]
D’Apollonius, j’ai appris à avoir l’esprit libre et à être ferme sans hésitation […]”

Pour lire le texte dans sa totalité : Marc-Aurèle – Pensées pour moi-même

Et vous chers lecteurs, si vous deviez rédiger une lettre de remerciement à vos proches ou personnes ayant eu un impact significatif dans votre vie, que diriez-vous ?

Et quand je dis impact, il se peut qu’il soit aussi bien positif que négatif. En effet, l’ultime étape de la résilience en cas d’événements négatifs est de définir ce que ledit événement et son impact vous auront appris sur vous, vos limites, vos ressources, vos croyances, vos valeurs, etc. C’est en ce sens que vous pouvez remercier la personne à l’origine de l’événement en question.

Attention, pas évident du tout à réaliser !!!

Savoir dire merci en management

Pour revenir à notre sujet, un manager sachant dire merci à ses collaborateurs est un manager qui place l’Humain au centre de sa stratégie managériale en reconnaissant leurs actions quotidiennes… mais pas que; nous allons voir quoi plus bas. Certains vont peut-être réagir en disant que ces mêmes collaborateurs sont déjà payés pour les actions qu’ils font. « Si en plus il faut dire merci, on ne s’en sort plus!! »

Erreur stratégique…

La rémunération est une reconnaissance matérielle du temps que l’employé consacre à l’entreprise de son patron. Ni plus ni moins. Elle est nécessaire, mais non suffisante.

Savoir dire merci est une reconnaissance non seulement des actions fournies pour la bonne marche de l’entreprise, mais aussi, et surtout de la personne qui est derrière le temps passé à la réalisation de ces actions

Se sentir reconnu dans son être a un impact beaucoup plus puissant que se sentir reconnu pour le temps passé à réaliser une tâche. Cette reconnaissance-là est non seulement essentielle, mais aussi source de motivation. Ce n’est pas la seule (voir les deux premiers billets de cette série), mais elle est puissante.

Pour conclure

Nous avons donc vu que les trois piliers du management où l’Humain est au centre de la stratégie managériale sont composés d’éléments que je qualifierais de basiques, mais incontournables : savoir dire bonjour, comment ça va et merci. Un b-a-ba qui, malheureusement, ne va pas de soi dans certaines entreprises ou certains services et où les managers s’étonnent du peu d’implication de leurs collaborateurs.

Ces trois piliers du management ne font pas le Tout, mais sont très performants… pour le Reste