Billet de retour d’expérience cette semaine. En très peu de temps, que ce soit dans mon entourage proche ou chez certains clients, une thématique, ou plutôt une problématique s’est montrée suffisamment présente et récurrente pour que je lui accorde un article; il s’agit de la fameuse corde sur laquelle on tire un peu trop et qui, à terme,  risque fort de se rompre. Ma question principale, en étant témoin professionnel et personnel de ce comportement est celle-ci : qu’est-ce qui pousse un individu à flirter dangereusement avec les limites de son écologie personnelle ? Tentative d’éclairage ici même.

Trop tirer sur la corde – Hypothèse n°1 : les méconnaissances

C’est amusant de constater que je me réfère périodiquement à cette formidable grille de lecture que nous offre l’analyse transactionnelle. J’avais d’ailleurs commis un billet sur l’outil il y a trois ans (mince, que le temps passe…), dans cet article : “L’art de faire l’autruche”.

Bon, ça va être un peu technique, je vous préviens, mais je vais faire le max pour être clair. Si je ne le suis pas, vous avez le droit de me vanner dans les commentaires 😉

Pour mémo, une méconnaissance est une omission inconsciente d’une information utile à la résolution d’un problème. Dans le sujet qui nous concerne aujourd’hui, le problème est de trop tirer sur la corde.

Dans la grande famille des méconnaissances, il existe :

  • trois zones (Soi, l’Autre, la Situation)
  • trois types (le Stimulus, le Problème, les Options)
  • quatre niveaux (Existence, Signification, Possibilité de changement, Capacités personnelles).

Allez, j’arrête de vous donner mal à la tête. Passons aux exemples.

Virginie sent bien qu’elle est en train de trop tirer sur la corde car le contexte professionnel dans lequel elle se trouve actuellement agit négativement sur elle (Zone Situation). Elle ressent de la fatigue, du stress et une accumulation de travaux en retard. Son sommeil est perturbé et les maigres pauses qu’elle prend pour souffler un peu ont le même impact qu’un pet de mouche sur l’incendie d’une raffinerie pétrolière; elle a conscience des stimuli qui la concernent et n’est donc pas dans la méconnaissance de ses stimuli. En outre, elle a aussi conscience que l’accumulation de tous ces signes de fatigue pourrait constituer un réel problème si elle continue sur cette voie. Ce n’est donc pas non plus la méconnaissance du problème.

En revanche, au stade où elle en est, elle ne voit pas comment elle pourrait se sortir de cette situation. La zone de méconnaissance se situe donc autour des options à explorer et autres solutions à trouver pour éviter le craquage. Et comme elle n’imagine même pas qu’il pourrait exister une solution à tout ça, c’est donc au premier niveau de méconnaissance, celui de l’existence des options, que les Athéniens s’atteignirent (ou que le bât blesse, c’est comme vous voulez)

Résumons :

  • Problème : je me sens de plus en plus fatiguée et stressée par mon travail
  • Zone de méconnaissance : Situation
  • Type de méconnaissance : Options
  • Niveau de méconnaissance : Existence

En reformulant le truc, Virginie méconnaît donc l’existence d’options pouvant faire changer sa situation. En explorant un peu plus loin avec elle, je constate que par un effet domino, ignorer l’existence des options l’empêche de mesurer l’importance (et donc la signification) du problème ainsi que la possibilité de changer les stimuli (forcément…). Du coup, la première piste à explorer avec elle était de se focaliser plutôt sur la signification des stimuli (les fameux signes de fatigue, le stress, le sommeil perturbé, etc.) et de leurs impacts sur son écologie personnelle. Nous avons ainsi pu redéfinir l’existence du problème. Ce n’est qu’en ayant donné un nouveau sens à sa problématique que Virginie a pu envisager l’existence d’options à explorer pour faire évoluer la situation.

La stratégie était donc de lui permettre de se rendre compte précisément des conséquences à moyen terme des stimuli. Ceci dans le but de générer une certaine motivation pour prendre le problème à bras le corps et non plus le subir comme c’était le cas. En effet, dans le cas de Virginie, avoir conscience du problème n’a pas suffi à le résoudre;  sa méconnaissance des options lui faisait subir la situation. En revanche, dès que le problème fut redéfini, l’émergence d’idées pour le résoudre fut au rendez-vous.

Voici en résumer, à quoi ressemble l’entretien avec Virginie

Trop tirer sur la corde … (extrait d’une séance de coaching)

[…]

Virginie : il y a pas mal de stress au travail en ce moment. Je me déplace beaucoup, j’ai beaucoup de comptes-rendus à produire et j’ai l’impression que je n’ai jamais assez de temps pour tout faire. J’ai le sentiment de trop tirer sur la corde.

Coach : et comment tu te sens ? (exploration des stimuli)

Virginie : je me sens très fatiguée. Je suis tendue, j’ai souvent mal à la tête. Je me réveille plusieurs fois dans la nuit et du coup, je me sens encore plus fatiguée le lendemain. Je vois que je deviens plus irritable et ma concentration n’est plus la même.

Coach : et en quoi est-ce un problème pour toi ? (exploration du problème)

Virginie : Et bien c’est simple, si ça continue comme ça, soit je craque, soit je démissionne ou les deux en même temps. Dans les deux cas, je vais droit dans le mur. Je me connais. Je n’aime pas ce genre de situation où la pression est permanente et où je sens que la situation m’échappe.

Coach : et qu’as-tu déjà fait pour arranger les choses… et qui n’a pas fonctionné ? (exploration des options)

Virginie : j’ai bien essayé de souffler un peu en prenant quelques heures pour moi, mais j’ai rapidement constaté que cela me retardait dans mes rapports et me faisait cumuler du travail en plus.

Coach : et pourtant tu es là…

Virginie : c’est vrai, mais c’est justement pour trouver une solution à tout ça.

Coach : justement, à propos de solutions ou d’options, as-tu des pistes auxquelles tu as déjà pensé ? (exploration des options)

Virginie : non, sinon je ne serais pas ici. Compte tenu du contexte, je ne vois pas comment je pourrai faire autrement. Le travail doit être fait et mes déplacements engagent une logistique et d’autres acteurs qui ne dépendent pas de moi. Je ne sais pas quoi mettre en place pour changer ça.

Coach : OK. Si tu veux bien, j’aimerais que l’on explore un peu plus les signes dont tu m’as parlé tout à l’heure. Qu’est-ce qu’ils signifient pour toi ? (exploration de la signification des stimuli)

Virginie : Et bien ils me montrent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ils sont comme un signal d’alarme. Je dirais même qu’ils me font un peu peur, car je ne sais pas combien de temps je pourrai tenir comme ça. En plus, ils ont aussi des répercussions sur ma vie perso. Je suis moins patiente avec mes enfants et mon mari me tape sur les nerfs…plus que d’habitude (rires). J’ai l’impression que j’interprète mal les choses et ça met une ambiance lourde à la maison. Cette fatigue que j’accumule me donne aussi moins envie de sortir, et le manque d’énergie m’empêche d’aller à la salle de sport. Pourtant je sais que je me sens bien après.

Coach : si j’entends bien, ce signal d’alarme commence à faire beaucoup trop de bruit dans tous tes domaines de vie ?

Virginie : c’est tout à fait ça. Je me rends compte maintenant que ce que je vis commence à se répercuter au-delà de mon travail. Et c’est pas bon.

Coach : en effet, c’est ce qui semblerait. Comment vois-tu ta problématique maintenant ? (exploration de la redéfinition du problème)

Virginie : je dirais qu’il est grand temps de réorganiser mon champ professionnel pour que l’alarme s’éteigne et surtout pour éviter de faire cramer la baraque (rires… caustiques)

Coach : il est vrai qu’en cas d’incendie, le fait de s’acharner sur l’alarme ne va pas éteindre le feu (rire). Et concrètement, tu t’y prendrais comment pour réorganiser ton champ professionnel ? (exploration des options)

Virginie : je pourrais commencer par revoir mes priorités; mettre momentanément en suspens des obligations que je me suis créées toute seule pour me concentrer sur des tâches prioritaires. Je pourrais aussi parler à mon N+1 concernant les déplacements; voir comment les optimiser ou réévaluer leur degré d’urgence et d’importance. Enfin, je crois que je vais me donner le temps d’aller au sport. Même si l’énergie est basse au départ, je me sens reboostée après. Du coup, je pense que je serai plus efficace et oxygénée pour pondre mes compte-rendus. Ceux-là, je ne peux pas y couper par contre.

Coach : bien !! Et tu te sens comment avec la perspective de ces options ?

Virginie : mieux. J’ai encore un peu peur que cela ne fonctionne pas ou me donne du travail en plus, mais je sens que je peux désormais agir sur les choses. Le fait de ne plus subir la situation m’enlève comme un poids sur mes épaules qui m’empêchait d’avancer. Avoir des options me permet de me remettre en route vers quelque chose de bon pour moi.

[…]

Nous avons vu qu’en ayant redéfini son problème dans un contexte plus large que celui où il a été créé,  Virginie a trouvé suffisamment de motivation pour faire émerger des options à mettre en place. La méconnaissance de l’existence des options a été levée.

La suite de la séance s’est portée sur l’intérêt de ces options, leur fiabilité, la capacité de Virginie à les mettre en oeuvre et évaluer ce qui fonctionne bien ou moins bien. Bref, elle est repartie dans une dynamique où elle reprenait le contrôle de la situation.

A ce stade du billet, je me rends compte que je n’ai traité que la première hypothèse concernant le risque de trop tirer sur la corde. J’en ai d’autres en réserve chers lecteurs, et je vous propose de voir la suite dans les prochains jours.


Si vous-même sentez que vous êtes en train de trop tirer sur la corde, contactez-moi ici avant qu’elle ne cède; nous pouvons travailler ensemble.


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