Voici la seconde lettre de mon illustre invité dans les pages de ce blog, François Délivré, coach, auteur … et beaucoup plus. Il répond à sa nièce partie faire ses études en Allemagne et se retrouvant, de fait, face à une situation que beaucoup connaissent sans savoir comment l’appréhender, la solitude.


Re-bonjour ma jolie filleule,

En avant pour la suite de ma lettre sur la solitude !

Déjà, tu as bien raison dans ton dernier mail de relativiser : la solitude n’est pas forcément « mauvaise » et il nous arrive même de la désirer. Parce que, même après le plaisir d’être en groupe, même après l’extase amoureuse et parfois même de façon impromptue, un moment vient où on a envie d’être seul.

Que soit alors bénis le cocon solitaire de la chambre, l’amicale salle de bains, les bienheureuses toilettes, la marche solitaire ! Ces espaces de pudeur sociale nous permettent de retrouver un peu de l’espace solitaire dont nous avons besoin.

J’élargis à présent mon propos.

En fait, c’est la solitude subie qui nous fait surtout peur, celle que vivent par exemple beaucoup de « socialement inactifs » dont les journées se succèdent avec l’impression d’être inutiles et la culpabilité d’avoir du temps à eux alors que tant de gens en manquent.

C’est la solitude des malades sur leur lit d’hôpital, des prisonniers dans leur cellule, des dépressifs dans leur angoisse, des personnes âgées qui pleurent en cachette dans la chambre de leur maison de retraite. C’est la solitude de beaucoup de célibataires qui désespèrent de trouver l’âme sœur.

Je vois alors deux grandes attitudes également intéressantes.

1 – Combler la solitude relationnelle de manière intelligente et fructueuse.

Que soient donc bienvenues les petites occupations qui ponctuent la journée : se laver, manger, aller au marché. Que soient aussi loués les jeux sur ordinateur, le scrabble, le papotage avec les amis, les séries sur Netflix. Que soit bénis les clubs sportifs, les associations et toute activité en commun.

2 – Affronter la solitude existentielle.

Il subsiste en effet toujours une part d’incommunicabilité entre les êtres – même ceux qui s’aiment le plus au monde. Personne ne peut non plus satisfaire complètement tous nos besoins. Personne n’a le pouvoir de nous empêcher de mourir. En tout cela, nous sommes seuls mais en avoir conscience et l’accepter, c’est passer à l’âge adulte et relativiser la solitude puisque nous sommes en ce domaine frères et sœurs, tous soumis à la condition humaine.

La solitude existentielle fait peur. L’être humain craint, face à lui-même, d’y découvrir que sa vie intérieure est vide ou pauvre. Il a peur de découvrir que ses occupations, son travail, ses relations sont vides de sens. Alors, pour tenter d’échapper à la solitude existentielle, il a recours à des subterfuges.

Je te présente donc :

  • Le (la) dingue de boulot qui tente d’échapper au sentiment de solitude en travaillant tard le soir ;
  • Le (la) dingue de drague qui craint tellement un lit vide qu’il le remplit différemment tous les soirs ;
  • Le (la) dingue de bruit qui met son autoradio à fond et hante les lieux publics à forts décibels ;
  • Le (la) dingue de haine qui a compris que haïr quelqu’un, c’est être relié à lui, certes de façon déplaisante, mais être relié tout de même. Alors, il pourrit ses relations ;
  • Le (la) dingue d’achats qui hante les centres commerciaux ;
  • Le (la) dingue de vie associative qui se bâtit un emploi du temps contraignant ;
  • Le (la) dingue d’internet. Dès qu’il a un moment vide, il consulte ses mails, zappe ou va sur des jeux vidéos

Comme tu es cultivée, tu sais que ces attitudes correspondent à ce que Pascal appelait des « divertissements ». Elles ne sont pas mauvaises par elles-mêmes, sauf si on en devient esclave. Utilise les donc sans honte à partir du moment où tu es aussi capable d’affronter la solitude existentielle.

Je te donne un dernier « truc » anti-solitude :

La « boîte à beaux messages ».

Pour te sentir moins seule aux moments difficiles, tu vas t’acheter une boîte (je t’offrirai ça pour ton anniversaire si tu veux). Tu y mettras les plus beaux messages que les gens t’ont envoyés. Peut-être as-tu vu la mienne dans mon bureau? Elle est en bois et a un fermoir de cuir. J’y ai mis des mots d’enfants qui me remercient de mes contes, des appréciations de mes clients, des superbes lettres d’amour, des messages amicaux. Je vais y ajouter ton mail qui m’a si fort ému. L’essentiel est qu’il n’y ait dans cette boîte que du positif, du bon pour toi. Plus tôt tu commences ta boîte, mieux ça sera.

Je t’embrasse.

Souviens-toi : tu n’es pas seule.

Ton parrain.

Quelques œuvres sur la solitude

  • Dieu est né en exil, de Vintilia Horia (prix Goncourt 1960)Le journal intime du poète romain Ovide exilé en Dacie.
  • Vendredi ou les limbes du pacifique, de Michel Tournier. Le récit imaginaire de Robinson Crusoé.
  • Chanson La solitude (Gilbert Bécaud)
  • Chanson La solitude (Barbara)
  • Suzanne et le pacifique (Giraudoux).
  • Cléo de 5 à 7 : une jeune chanteuse craint d’être atteinte d’un cancer. Il est 17 h et elle doit récupérer les résultats de ses examens médicaux à 19 h. Elle va mesurer la vacuité de son existence et finalement trouver le réconfort auprès d’un inconnu à l’issue d’une errance angoissée dans Paris.
  • Solitude face à la mer de Anne Lindbergh. Un livre magnifique, écrit par l’épouse de l’aviateur Charles Lindbergh. L’auteure y décrit un séjour de quelques jours sur une île et médite sur son quotidien tout simple : le repos sur la plage, un coquillage, la visite d’une amie. Douze scènes de vie permettent d’aborder quelques grands thèmes de vie : la mission sur terre des gens ordinaires, la solitude, le moment présent, le sens de la vie… : « Je désire voir le monde d’un seul regard, avec des intentions pures, et que ma vie ait un foyer central d’où rayonnera la force nécessaire pour mener à bien les activités et obligations qui m’incombent… »

François Delivré

Homme d’art, de méthodes et de relations, polytechnicien. Ingénieur grands travaux, il est devenu consultant spécialisé en coaching. Co-fondateur de l’Académie du Coaching. Une personne de son entourage le décrivait ainsi en 2016 : 

 » Rigueur (l’ingénieur) et sens artistique (le sculpteur), logique (le polytechnicien) et métaphorique (le conteur), habile (le négociateur) et sage (le philosophe… Vous avez été celui qui a le mieux transmis une pédagogie accessible du coaching. J’espère que vos chevilles n’enflent pas trop !!! « 

Il trouve désormais sa joie dans la sculpture, l’art du conte et la transmission de ses recherches.


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