Cette semaine je voudrais vous alerter sur un phénomène contagieux aux conséquences irréversibles pour votre bien-être. Nous ne sommes pas assez vigilants face au pouvoir générateur de plaisir de ce syndrome encore trop peu connu sous nos latitudes voire carrément tabou dans certaines institutions. Vous êtes sûrement en train de vous demander de quoi je veux parler, n’est-ce pas? Avez-vous déjà entendu parler de la Bonum Animum, virus à haut potentiel contagieux autrement appelé Bonne Humeur, B1H1 pour les spécialistes?

Quels sont les symptômes de Bonne Humeur?

Après une période d’incubation plus ou moins longue suivant certains changements effectués dans votre vie, le premier signe d’alerte apparaît le matin au réveil. En effet, si vous vous levez un jour en sachant pourquoi (et pour quoi) vous sortez du lit, avec un sentiment diffus de servir à quelque chose, c’est peut-être déjà trop tard.

Si ensuite, en ayant encore la tête là où la décence m’interdit de préciser où, vous vous surprenez à rire ou sourire en repensant à une plaisanterie vécue, entendue ou vue la veille, il y a de grandes chances pour que vous soyez déjà atteint. C’est peut-être même à cause d’une de ces plaisanteries que vous avez été contaminé.

Pour être vraiment certain de l’atteinte spécifique du virus B1H1 et non avoir juste attraper un banal sentiment d’être juste bien luné ce jour-là, il faut présenter d’autres signes très caractéristiques que je vous livre en vrac:

  • Parvenir sans effort particulier à relativiser les inévitables tracas du quotidien.
  • Avoir envie de dire bonjour à son voisin et discuter deux minutes avec lui sur le sujet le plus important depuis l’antiquité: le temps qu’il fait.
  • Sourire en voyant le magnifique levé de soleil qui se présente à vous à cette heure du petit matin.
  • Avoir l’envie irrépressible de rencontrer des gens pour échanger avec eux sur les thématiques qui vous rapprochent et vous motivent.
  • Être suffisamment vif pour placer des traits d’humour faisant mouche la plupart du temps ou rebondir du tac au tac à une vanne d’un autre contaminé.
  • Se surprendre à rester focaliser sur les différents chants d’oiseaux autour de soi.
  • Avoir envie de participer à une action qui donne du sens à son existence.

Enfin, le signe marquant l’irréversibilité de cette affection maligne est cette nouvelle croyance qui s’est installée en vous et qui vous dit que l’Autre n’est pas un ennemi probable mais un partenaire potentiel. Croyance qui, par ailleurs, peut s’étendre à soi-même quand l’Autre dont il est question… c’est vous 😉

Comment se transmet la Bonne Humeur?

Étant donné son fort potentiel contagieux, la Bonne Humeur utilise tous les canaux sensoriels pour se propager. En y regardant de plus près, nous nous apercevons qu’il est très difficile de passer au travers. Ou alors il faut s’immuniser; j’en parlerai plus bas.

La vue: En effet, il suffit de regarder quelqu’un en train de rire pour aussitôt se sentir contaminé. Il n’y a qu’à voir les bêtisiers de fin d’années pour le constater. Si par ailleurs c’est vous qui venez à rire de bon cœur, vous seriez alors contagieux dans un rayon de dix mètres environ. Plus sournois, un simple sourire peut amener au même résultat. Soyez prudent!

L’ouïe: Si vous n’y prenez pas garde, le simple fait de faire un compliment à votre collègue, employé, conjoint, enfant, ou tout autre personne de votre entourage peut lui transmettre le B1H1. Celui-ci peut aussi vous avoir contaminé si c’est vous qui avez entendu cette marque de reconnaissance. Attention aussi au « Bonjour » couplé avec le sourire que j’ai cité précédemment. On ne s’y attend pas et « Bim! », Bonne Humeur.

Le toucher: Un massage, un câlin, une caresse, prendre une main, et c’est foutu; le virus est passé dans l’organisme de votre interlocuteur ou dans le votre si vous avez eu à faire à l’un de ces contacts. En médecine, c’est ce que l’on appelle une transmission manuportée. Redoutable car même les gants ne servent à rien dans ce cas. B1H1 sera plus lent à agir, mais tôt ou tard il s’introduira dans votre organisme.

Le goût: Avez-vous déjà mangé votre plat préféré quand vous aviez une solide sensation de faim? Et bien la première bouchée vous contamine sur le coup. Si en plus (et comme très souvent avec le goût), le sens de l’odorat est attaqué par le virus, alors la réaction peut être spectaculaire. C’est une crise aigüe de Bonne Humeur que vous risquez. Pour moi, c’est la pizza qui me fait rechuter à chaque fois.

L’odorat: C’est la classique métaphore de la madeleine de Proust. Une odeur agréable, pour peu qu’elle nous rappelle des souvenirs du même ordre, nous place aussitôt en terrain fertile pour attraper le B1H1. C’est vicieux quand même!

Comment s’en prémunir?

Voilà la partie intéressante de ce billet. Comment éviter d’attraper la Bonne Humeur? Comme je le disais tout à l’heure, c’est pas évident compte tenu de la facilité avec laquelle ce virus a tendance à se transmettre.

Mais bon, il y a quand même quelques trucs pour se prémunir.

Tout d’abord regardez la boite à décérébrer le plus souvent possible, de préférence les infos, les téléréalités et les documentaires trashs. C’est déjà un bon début pour se forger une protection immunitaire contre B1H1. Les messages véhiculés dans ces programmes télévisés agissent comme un vaccin préventif.

Ensuite, pensez à côtoyer le moins de monde possible. C’est logique; la probabilité de rencontrer un contaminé atteint de Bonne Humeur augmente avec le nombre de vos rencontres. Et vue la contagiosité du phénomène, on n’est jamais trop prudent. Restez chez vous.

Si vous avez la malchance d’avoir un entourage proche de vous au système immunitaire défaillant et donc susceptible d’être affecté de Bonne Humeur, vous pouvez quand même tenter de les soigner. Soyez intransigeant avec eux, râlez pour tout et n’importe quoi, ne souriez jamais (ou juste par sarcasme), et surtout ne leur montrez jamais, Ô grand jamais, le moindre signe de tendresse ou d’affection. Ce serait fatal.

Au travail, c’est plus simple. Bon nombre d’environnements professionnels offrent une protection très efficace contre le B1H1. Cependant, prudence étant mère de sûreté, ne dites jamais bonjour, ou si vous n’avez pas le choix, faites-le du bout des lèvres avec une tête digne du plus triste des enterrements. Ensuite dans la journée, participez activement aux rumeurs de couloirs, ne croyez jamais celui qui vous fait un compliment (il est hautement contagieux celui-là), refusez toute demande de service et pour être sûr de rester sain, gardez à l’esprit que tout ce petit monde est potentiellement dangereux et vous veut du mal.

L’ultime décision

En ce qui me concerne, après avoir longuement pesé le pour et le contre, j’ai décidé en toute conscience de ne plus me soigner. Je suis contre l’acharnement thérapeutique et je pense être prêt pour laisser la Bonne Humeur envahir chaque cellule de mon être. Je ne sais pas si c’est très éthique, mais je vous avoue que j’espère en secret contaminer le plus de monde possible.

Méa culpa 😉

À la semaine prochaine.