Il y a quelques jours, je suis tombé sur un article sympa relatant les habitudes que n’ont pas les gens heureux pour justement … être heureux. Plus tard, un lien facebook m’a renvoyé vers un autre classement sur les dix choses que font les gens heureux de façon différentes que les autres. En fait, en creusant un peu, vous trouverez pléthore de listes en cinq, dix ou quinze points pour teinter votre vie d’un joli rose Barbie. Le truc, c’est qu’à force de consommer du bonheur en tube, un peu comme du lait concentré sucré, on finit par en être un peu écœuré.
En ce qui me concerne, cette absorption massive de messages à fort potentiel béatifiant, est probablement dû aux domaines dans lesquels j’évolue depuis maintenant six ans; le coaching et le développement personnel. Les multiples connexions, liens, likes, tweets, +1, contacts, blogs et j’en passe liés à mon activité génèrent, de fait, la multiplicité de ces messages..
Nous construisons le web qui nous ressemble. Les pro du marketing sur la toile l’ont compris bien avant moi 🙂
Je ne sais pas si c’est le fait d’être en congés au moment où j’écris ce billet qui me fait lever la tête du guidon, mais le constat est là; j’ai les dents du fond qui baignent…
Je vais donc partager dans ce billet, mon traitement contre l’indigestion de messages positifs sensés faire de nous les gens les plus heureux de la planète.
Voulant à mon tour m’amuser avec les jouets des copains, je vous propose ici, non pas une énième liste sur comment être heureux en dix points ( ce serait le coup de grâce), mais une liste des dix stratégies incontournables pour remplir votre vie de désespoirs et de tristesses, faisant passer les héros des films de Woody Allen pour les mentors de Mickey, Minnie et compagnie.
Les stratégies pour se pourrir la vie (et donc ne pas être heureux)
1 – Se méfier de l’Autre
La méfiance à l’égard d’autrui conduit à une conséquence à priori inattendue, mais Ô combien salutaire pour l’objectif que nous visons dans ce billet : l’Autre se méfiera aussi de vous. Ainsi, non seulement vous serez bien isolé du reste du monde mais vous aurez, de plus, de meilleures chances d’être montré du doigt dès qu’une occasion se présentera.
2 – Réagir au quart de tour
Relativiser les situations tendues et/ou potentiellement stressantes, c’est bon pour les loosers du bonheur. Cette stratégie implique qu’à la moindre remarque qui ne va pas dans le sens que vous et vous seul avez choisi, vous sortiez de vos gonds comme un diable de sa boite. La clé de réussite de cette stratégie est d’y aller franco. Pas de demi-mesure dans la réaction. Soyez le plus virulent et teigneux possible.
3 – Se montrer aussi rigide qu’un sergent de l’armée nord-coréenne
La flexibilité est le triste apanage des gens doués pour la communication et les relations et donc pour être heureux. C’est leur problème; tant pis pour eux s’ils sont heureux dans leur vie. Pour être rigide, le mieux est d’être intransigeant vis-à-vis des autres comme de vous–même. Exigez la perfection dans tout et n’importe quoi. Le must étant bien sûr de pinailler sur le moindre écart entre ce que vous attendez et le résultat de ce que vous attendez. Pour avoir un aperçu de ce que peut être la rigidité, je vous renvoie vers cet ancien article du blog : “Stretching relationnel”
4 – Cultiver l’art d’avoir toujours raison (même quand vous avez tort)
Étroitement lié au point précédent, le fait de présupposer que, par défaut, vous avez raison et les autres ont tort, fera de vous un expert en prises de tête et disputes en tout genre. La petite astuce pour mener cette stratégie à bien, est de continuer sur ce mode, même si vous savez que vous avez tort (mais nous savons, vous et moi, que ce n’est jamais le cas)
5 – Faire du jugement une priorité
Le jugement, quand il est hâtif et définitif possède cette particularité d’être expéditif dans la relation que vous pourriez avoir avec une personne que vous ne connaissez pas encore. Cataloguer untel ou untel, lui coller une étiquette sur le front, vous permettra de dresser un listing des gens fréquentables ou pas. Et puisque, de toutes façons, seul votre jugement est valable, vous n’aurez au final qu’une seule liste de personnes; celles que vous ne rencontrerez jamais.
6 – Chercher la dépendance
Qu’elles soient affectives, émotionnelles, alimentaires, technologiques, télévisuelles ou financières, toutes les formes de dépendances sont bonnes à prendre. Le fait d’être dans une dépendance fera de vous le jouet de l’objet duquel vous dépendez. Et être le jouet de quelqu’un ou de quelque chose est une perle dans la recherche d’une vie misérable.
7 – Considérer un échec comme une malédiction
En effet, l’échec possède cette caractéristique unique d’altérer rapidement la confiance en soi ou mieux encore, l’estime de soi. Si malgré cela, vous avez tendance à reprendre le dessus, n’hésitez pas à ressasser cet échec encore et encore. Il aura alors vocation à se muer en généralisations et ainsi entrer dans la catégorie des croyances limitantes, un incontournable pour éviter d’être heureux.
8 – Élever la comparaison au rang de dogme
Se comparer aux autres vous confère l’avantage de jouer au yoyo avec l’image que vous avez de vous-même. Que la comparaison soit positive ou négative, vous ne connaîtrez jamais la stabilité que subissent ceux qui ne se prêtent pas au jeu de la comparaison. Les pauvres; ils ne savent pas ce qu’ils perdent. Être constamment en train de douter de soi est ce qu’il y a de mieux pour être malheureux dans la vie.
9 – Fuir le moment présent
La stratégie qui consiste à fuir le moment présent se scinde en deux voies. L’idéal étant d’alterner entre l’une et l’autre pour plus d’efficacité.
- La première consiste à rester fixé sur son passé et regretter amèrement tous les choix de votre vie. Aidez-vous avec des ruminations internes commençant par “Si j’avais fait ça, alors…” , “Je n’aurais jamais dû …” ou encore “Si j’avais su...”
- La seconde nécessite de vous angoisser sur votre futur et d’envisager le lendemain comme une potentielle journée où les pires choses vont vous arriver. L’imagination est ici votre meilleur atout. Plus vous imaginerez des scénarios catastrophes, plus vous serez tétanisé à l’idée d’être à demain.
10 – Envier son voisin, son collègue, son patron, son boulanger, sa coiffeuse, etc..
Vous remarquerez que je n’ai pas dit son ami; car il est juste de rappeler à ce stade du billet qu’une vie triste est faite essentiellement d’un vide relationnel autour de soi. Donc, la stratégie de l’envie est intéressante car elle permet de vous concentrer sur ce que les autres sont, ont et font, plus que sur ce que vous êtes, avez et faites. De là, vous pouvez vous connecter directement avec la stratégie n°8 de la comparaison et vous réaliserez alors un “double shot” vers l’objectif de vous pourrir la vie.
Bonus pour échapper à la dictature d’être heureux
11- Être sérieux
Pour conclure ce billet coup de gueule contre le bonheur, les gens heureux et toute la clique, je vous invite à vous montrer le plus sérieux possible dans votre vie. Le mieux pour mener cette stratégie à son terme, est de commencer par soi-même; c’est à dire que vous serez plus puissant si vous vous prenez vous-même au sérieux le plus souvent possible. Laissez l’allégresse, l’humour et la bonne humeur à ceux qui ont choisi d’être heureux.
Être heureux ? Ben voyons, il ne manquerait plus que ça!
Tout me va… sauf le bonus (à part se prendre au sérieux). Il me parait essentiel au contraire d’être sérieux pour être heureux. Être sérieux c’est réfléchir, être sage, avoir de la prudence et de la tempérance. Cela n’exclut pas la bonne humeur, au contraire, ni l’enthousiasme, ni le dynamisme. En un mot, être sérieux ce n’est pas être austère.
Ma formule de « joie sérieuse » a été heurtée par ce bonus.D’où mon intervention.
Amitiés Christophe.
Tu as peut-être raison Claudio.
Je dois avoir une représentation du « sérieux » un peu tronquée 😉
Merci de ton retour.
En fait je pense que la nuance est exprimée dans le texte. Etre sérieux oui, les gens heureux savent l’être, « se prendre au sérieux » là ça rend pas heureux.
Les gens heureux savent être sérieux, tout en conservant une dose d’humour pour ne pas se prendre trop au sérieux je pense.
Ah enfin, ça change un peu ! Il y en a marre du bonheur, passons aux recettes pour se pourrir la vie et celle des autres ! Merci, Christophe…
Sans aucun plaisir Daniel 😉
Tout simplement bravo pour cet article… un article à consommer sans modération ! De la part d’un homme « heureux »…
Merci de ton retour Eddy. Si le billet t’a plus, penses à le partager sur les réseaux sociaux 😉
non mais , c’est pas possible ! ya rien à en espérer de ce billet!
MDR !
merci
Autre titre possible : « Qu’est-ce qu’on attend pour être malheureux ? »
Ton excellent article Christophe me fait aussi penser à la psychologie de l’enfant, il finira par se faire mal et comprendre pourquoi on lui avait dit de ne pas faire cela.
J’ai un autre commentaire, mais tellement cynique que j’hésite à le publier !
Merci Denis.
Juste réflexion.
Pour ton commentaire, tu en as trop dit (ou pas assez)…
Merci Christophe pour ce billet « pleins d’humeurs ».
En ce qui me concerne, le bonus me convient bien, la vie est courte et légère si on veut bien s’en donner la peine…
Avoir des valeurs : travail, famille, amis, solidarité… oui!!!!! se prendre au sérieux non!!!!! je n’y arrive pas
Être sérieux et se prendre au sérieux est très différent. Je dirais même que ce ne serait pas sérieux de se prendre au sérieux.
http://singuliepluriel.canalblog.com/archives/2012/09/21/25146630.html
A lire aussi « Faites vous même votre malheur » de Paul Watzlawick.
Il fait partie de mon top 10 des bouquins de références. J’ai adoré 🙂
Excellent article Christophe !!!
Je le partage avec grand plaisir sur les réseaux sociaux
Cordialement
Merci pour ce retour Sandrine et pour le relais sur les RS 😉