Comme je vous le disais il y a quelques semaines dans le billet “qu’est-ce qu’écouter”, je partagerai de temps à autre dans les pages de ce blog, un extrait du livre que je suis en train de rédiger au fil des semaines. Cette aventure dans laquelle je me suis lancée est très enrichissante, car demandant une certaine régularité dans l’exercice; chose dont je confesse avoir la fâcheuse tendance opposée 🙂 . Mais bon, il est toujours temps de progresser sur le chemin du développement de soi, n’est-ce pas ? Voici donc un passage traitant de cette faculté à pouvoir prendre un peu de recul sur soi et observer ce qu’il s’y passe.
Être observateur de soi-même
[…] Vous venez de voir que l’une des pistes conduisant à une meilleure conscience de soi est l’observation que vous pouvez faire de vous-même. Une partie de l’exercice précédent est d’ailleurs orientée vers cet objectif.
Mais allons un peu plus loin dans l’observation de soi-même et à fortiori des émotions que nous éprouvons au contact de l’autre. Car là est le sujet de la deuxième grande partie de ce livre : distinguer ses propres émotions de celles de l’autre.
Dans le langage de l’accompagnement humain, il existe un terme qui décrit relativement bien cette position d’observateur de soi en situation relationnelle : la position META.
À l’origine, ce terme est [un préfixe qui provient du grec μετά (meta) (après, au-delà de, avec). Il exprime, tout à la fois, la réflexion, le changement, la succession, le fait d’aller au-delà, à côté de, entre ou avec. Selon le contexte le préfixe équivaut au sens de profond (comme les métadonnées ou le métalangage), haut ou grand (comme métarevue).
Méta signifie aussi à propos, comme dans métalinguistique, désignant le lexique linguistique.
Méta est souvent utilisé dans le vocabulaire scientifique pour indiquer l’autoréférence (réflexion), ou pour désigner un niveau d’abstraction supérieur, un modèle :
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métalangage : système ou langage permettant de décrire d’autres langages ;
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métalivre : livre à propos d’un livre ;
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métadocumentation : documentation sur la documentation ;
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métadonnée : donnée sur les données.]*
En situation de relation empathique, la position META (ou métaposition si on respecte la qualité de préfixe du mot META) est celle qui vous permettra d’être en mesure d’observer “à distance” le système que vous formez avec votre interlocuteur. Ce système se compose de trois éléments :
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Vous
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Votre interlocuteur
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La relation qui vous lie à cet instant précis
C’est un peu comme si vous étiez EN MÊME TEMPS, acteur et spectateur de la scène où vous et votre interlocuteur êtes en relation. Si nous reprenons les définitions ci-dessus, nous pouvons dire qu’en situation relationnelle, la métaposition est une position d’observation permettant de décrire tout ce qui se passe dans la relation entre vous et votre interlocuteur, émotions comprises.
Ainsi, dans l’objectif de distinguer d’où vient la source de l’émotion en situation de relation empathique, la métaposition vous permettra justement de “sortir” de l’état émotionnel présent au moment de la relation et d’en observer son origine. Il sera alors plus simple de comprendre où vous en êtes, où en est la relation et surtout où en est votre interlocuteur avec ses émotions. Votre compréhension de ce qu’il vit n’en sera que plus complète, votre écoute plus qualitative, et vos éventuelles interventions plus pertinentes.
Illustrons tout ceci par deux exemples ;
Situation 1 :
Julie vous confie son histoire. Elle a été l’objet d’une relation toxique avec un homme qu’elle a rencontré il y a quelques années. Au fur et à mesure qu’elle partage son expérience, vous commencez à éprouver un sentiment désagréable. Un peu comme une pression interne pouvant s’apparenter à un mélange de vulnérabilité et d’impuissance. Après avoir validé ça avec elle, vous constatez que c’est aussi ce que ressent Julie au moment où elle relate son histoire.
Si vous arrêtez votre observation à ce stade, en tant qu’acteur de la relation, vous pourriez conclure que le sentiment que vous éprouvez prend sa source chez Julie. Or, en vous détachant mentalement de la situation et en observant cette scène “au-dessus” ou “à côté” (donc en adoptant la position META), votre observation vous amène à un souvenir : celui d’une relation similaire que vous avez vécue il y a quelques années et que vous aviez oubliée… cognitivement seulement. Car l’émotion, bien que sous une forme plus nuancée, est toujours présente. C’est ainsi que vous prenez conscience que l’émotion que vous ressentez à cet instant prend son origine dans votre propre histoire et non dans celle de Julie.
Les conséquences en matière relationnelle ne seront pas les mêmes avec la première posture et la seconde;
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en restant uniquement centré sur l’aspect émotionnel dont vous attribuez la source à Julie, vous entrez dans une forme de sympathie. Ce n’est pas un défaut en soi, mais en situation d’accompagnement, la sympathie ouvre la porte aux projections et conseils en tout genre issus de votre propre cadre de référence (vus uniquement de votre fenêtre).
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en étant observateur de vous-même dans cette situation, vous avez identifié la véritable origine de l’émotion que vous ressentez et pouvez (après la régulation que nous verrons dans la troisième partie de ce livre) restez dans l’empathie. Ainsi, votre attention sera maintenue sur l’autre et votre accompagnement n’en sera que plus pertinent.
Situation 2 :
François est bouleversé par le silence que lui impose sa compagne depuis quelques jours. Plus de nouvelles, pas de réponse au téléphone, aucun message. Il ne comprend pas et éprouve un profond sentiment de détresse. Vous l’écoutez attentivement et après quelques minutes, vous ressentez à votre tour une émotion de tristesse. Ce n’est pas encore de la détresse, mais cette émotion vous perturbe. Vous ne comprenez pas pourquoi elle est là.
Si, comme dans la première situation, vous arrêtez votre observation à ce stade, il se peut qu’une grande partie de votre présence à François soit perturbée par vos efforts pour comprendre l’origine de cette émotion. Il est probable aussi que vous consacriez tout le temps de la relation à tenter de réguler cette émotion envahissante. Vous subissez ici la contagion émotionnelle. Or, en procédant de la même manière que précédemment, c’est à dire en activant mentalement la démarche de vous placer en position META, vous parvenez simplement à comprendre la perspective de François en “imaginant” ce qu’il peut vivre. En outre, cette compréhension sera facilitée en fonction de ce que vous connaissez de lui et de la situation qu’il décrit. Enfin, cette distanciation vous permet de clairement identifier que l’émotion présente dans la relation prend sa source uniquement chez François et ne correspond, chez vous, qu’à une forme d’empathie. […]
*source : Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9ta_(pr%C3%A9fixe)
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Bonjour Christophe
Intéressant ton extrais.
L’approche META, comme tu l’appelle, semble très apparentée à ce que d’autre appelle « le détachement ». Ce qui correspond à prendre une distance par rapport à soi-même. Cette distance permet une meilleure conscience de soi-même et l’esprit est libre de choisir sa vision plutôt que d’être la conséquence de ses réactions.
Développement de soi et spiritualité se chevauchent-ils ?
Bonjour Christophe,
De mon point de vue, l’écoute de l’autre est une qualité plus ou moins innée chez certaines personnes. Elle peut s’acquérir et se développer comme toute autre aptitude. Je pense avoir certaines facilités à écouter les autres parce que j’ai remarqué que les gens se confient facilement à moi, sans que je ne les sollicite ni ne les encourage à le faire. Je me reconnais tout à fait dans ce que tu décris de la relation d’écoute : moi, celui ou celle que j’écoute et l’interaction des deux. J’ai observé et touché du doigt la problématique que tu évoques, à savoir l’analyse de mes propres émotions, de ce que je ressens par rapport à mon vécu lorsque quelqu’un me parle de sa propre histoire et que celle-ci fait écho à la mienne. Le risque que j’ai identifié est de proposer des solutions qui correspondent à ma réaction personnelle mais qui ne sont pas forcément adaptées au besoin de celui ou celle que j’écoute. D’autant plus que parfois, la personne ne demande pas de solutions mais veut simplement être entendue : elle est en recherche d’empathie pure. J’ai choisi de contourner ce travers en demandant à la personne de valider les émotions que je pense avoir détecté. Je lui signale par exemple que j’entends de la tristesse ou de la colère dans ce qu’elle exprime et je lui demande si c’est bien ce qu’elle ressent, je lui demande de corriger ma perception s’il y a lieu. Lorsqu’elle a corrigé ou validé alors je tente de lui faire exprimer plus précisément la cause de cette émotion si je sens qu’elle a envie d’aller plus loin que la simple empathie. Soit la personne évoque des causes d’elle-même, soit c’est flou pour elle et je lui propose des hypothèses à partir desquelles elle rebondit et affine sa propre analyse. C’est à ce moment qu’il faut simplement proposer et ne pas influencer ou forcer la personne à aller dans une direction qui me semble être la cause des émotions alors qu’en réalité, je n’ai qu’une perception incomplète et seule la personne que j’écoute est en mesure de connaître réellement la cause. Alors j’essaie simplement de l’aider à faire émerger ce qu’elle sait. L’exercice est difficile mais enrichissant du point de vue relationnel.
Merci pour cet article.
Prendre conscience de mon propre fonctionnement et pouvoir développer une sorte de meta-conscience est quelque chose qui me passionne.
Pour toute personne souhaitant apprendre à s’analyser en situation sociale, je conseillerai quand même d’essayer d’être observateur de soi même d’abord seul. Voire même en situation d’isolation sensorielle pour isoler et comprendre les mécanismes de bases de sa personnalité.
Je n’ai encore jamais essayer de faire fonctionner une Metaconscience dans un contexte social, les ressources intellectuelles à mettre en oeuvre me paraissent épuisantes. Mais c’est quelque chose que je vais essayer.