Cet article est ma contribution à l’édition 59 du festival “A la croisée des blogs”, un événement interblogueur mensuel organisé par DéveloppementPersonnel.org et dont l’édition du mois d’Août a été pris en charge par Régis du blog Moment Présent. Le thème de ce mois-ci m’a particulièrement inspiré et met en lumière un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’imperfection. L’article de lancement proposé par Régis se trouve sur son blog : A la Croisée des Blogs – Edition 59 : l’éloge de l’imperfection. Voici donc mon imperfection dans toute sa splendeur…
Avant de faire l’éloge de l’imperfection, il me semble essentiel de regarder du côté de ce qu’est la perfection et comment et pourquoi elle se manifeste de façon si flagrante chez certains d’entre nous.
Sois parfait et tais toi
Il n’y a pas de secret; une grande partie de nos comportements actuels nous vient du conditionnement que nos chers parents ont exercé sur nous lors de notre prime jeunesse. Pavlov et ses expériences sur les réflexes conditionnés n’aurait pas fait mieux.
Parmi la multitude d’injonctions que nous pouvions entendre au quotidien, il y en a une qui est en lien direct avec le sujet de ce billet : “Sois parfait”. Pour l’info, c’est ce que le psychologue et analyste transactionnel Taibi Kahler a nommé les drivers ou messages contraignants.
Alors, bien entendu, Papa et Maman ne l’ont peut-être pas dit comme ça, mais l’intention signifiait clairement cette commande.
Exemples :
- “Tu aurais pu faire mieux”
- “Fais attention à ne pas faire de fautes”
- “C’est mal d’agir comme cela”
- “Attention à ce que tu fais”
- etc.
Veillons quand même à rester cohérent; bien que nous ayons tous plus ou moins entendu ce type de message par le passé nous ne sommes pas tous des perfectionnistes en puissance. En effet, les messages en question deviennent des boulets de vie quand le sous-entendu (non-dit et inconscient) qui le suit est du type “… sinon tu n’es pas quelqu’un qui a de la valeur”
A la longue, cette injonction aura tendance à générer chez l’enfant devenu adulte, un comportement plutôt rigide, ne laissant passer aucune erreur (aussi bien à lui qu’à son entourage) et/ou un acharnement à vouloir tout contrôler et maîtriser. De fait, le sujet “sois parfait” aura tendance à se noyer dans les détails d’une situation ou d’un projet à mener à bien et sera très souvent insatisfait du résultat. Un comportement que l’on retrouve parfois chez les adeptes de la procrastination.
A noter que tous ces comportements sont exacerbés quand la personne est soumise à un stress. Car, si nous regardons le verre à moitié plein, cette même personne dont le driver principal est “sois parfait” pourra aussi se révéler excellente dans son travail, méticuleuse, attentionnée, repérant le détail qui échappe au commun des mortels et qui peut faire toute la différence. Bref, elle possède aussi des qualités essentielles et recherchées dans certaines activités professionnelles.
Quand l’imperfection n’a pas sa place
D’après moi, il y a certaines activités professionnelles qui nécessitent une recherche de perfection. Je distinguerais cependant les métiers où la perfection est une obligation et les métiers où elle relève plutôt d’un choix.
Exemples de perfection “obligation” : Essentiellement les métiers où la vie humaine est en jeu; pilotes d’avion, contrôleurs aériens, forces d’élite, (GIGN, RAID, etc.), chirurgiens, etc.
Exemples de perfection “choix” : personnel des palaces, bijouterie de luxe, pâtisserie haut de gamme, haute couture, cuisine gastronomique, etc.
Tous ces professionnels font de la recherche de perfection leur quotidien. Ceci dit, là où l’un aura tendance à souffrir du stress intense et toxique que cet environnement suscite, l’autre pourra s’y épanouir sans aucun problème. La différence réside, selon moi, dans la capacité de chacun à se laisser le “droit à l’erreur”.
Cette issue de secours que chacun peut se construire permet d’effectuer les tâches à but de perfection avec plus de décontraction et de fluidité.
Le résultat n’en sera alors que plus … parfait 🙂
En outre, il n’y a pas que les métiers cités plus haut qui relèvent de la recherche de perfection. A bien y regarder, tous les métiers sont susceptibles d’avoir leur lot de “sois parfait”. Disons que là, cela dépend plus de l’individu qui exerce son métier et je rapprocherais volontiers cette notion de la “conscience professionnelle”. Mais bon, ce sera pour un autre billet.
La course à la perfection
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’environnement dans lequel nous évoluons au quotidien n’est pas vraiment fait pour laisser la place à l’imperfection.
Dès l’école : “peut mieux faire”, ça ne vous rappelle rien ? La pression qui est mise sur les gamins en âge scolaire est tout simplement hallucinante. Et certains parents ayant un bon driver “sois parfait” en arrière plan, n’arrangent rien en rajoutant une couche une fois l’enfant rentré à la maison : “Tu as eu 14/20 à la dictée ? C’est bien, mais tu aurais pu faire mieux.” Pour peu que ce même enfant ait comme seul loisir une discipline exigeante à forte tendance perfectionniste (je pense notamment aux disciplines musicales), je n’imagine même pas la pression quasi permanente qu’il doit supporter.
Dans les médias : la sur-représentation de modèles de mode parfaits (uniquement grâce à Photoshop, qu’on se le dise) ne facilite pas l’acceptation de nos propres défauts et imperfections. Un désastre pour certains ados en pleine période de construction de leur identité corporelle.
Au travail : quand le droit à l’erreur est de moins en moins accepté et conduit parfois au burn-out. Christian Morel dans son excellent ouvrage “Les décisions absurdes” montrait qu’une politique de non-sanction des erreurs involontaires dans l’aviation civile conduisait justement à libérer la parole des agents en exercice. Ceci dans le but récolter le maximum d’informations sur l’erreur en question et ainsi éviter de reproduire les mêmes imperfections.
A la maison : je pense à certaines clientes que j’ai pu accompagner en coaching et qui s’étaient fixées pour mission (sans en être véritablement consciente) d’être une mère parfaite, une épouse parfaite, une femme parfaite en plus de leur travail qui, je vous le donne en mille, se devait d’être parfait.
Que de pression au quotidien !! A toutes ces personnes qui font de la course à la perfection leur quête du Graal, évitez de leur parler de lâcher-prise. Car pour elles, cette hérésie revient précisément à lâcher la prise qu’elles ont sur la montagne que représente leur quotidien et courir le risque de tomber dans le vide.
Mais de quel vide pourrait-il bien s’agir ?
Ouvrir la porte à l’imperfection
J’ai récemment eu une conversation sur le sujet de ce billet avec une japonaise. Son éclairage culturel a apporté de l’eau à mon moulin.
Dans la culture nippone, la recherche de perfection est ancrée dans les gènes de la population. C’est une seconde nature. En fait, pour elle, la signification même de “recherche de perfection” est différente. Elle se situe plutôt au niveau d’une recherche d’amélioration permanente.
Je ne sais pas si le résultat en terme de ressenti est le même ou différent, mais il semblerait que les japonais aient un seuil de tolérance à la pression bien plus élevé que le notre. En même temps, je ne suis pas sûr que ce soit utile ou profitable dans notre propre culture.
Je pense qu’une piste intéressante à explorer pour ouvrir, ne serait-ce qu’un peu, la porte à l’imperfection serait justement d’envisager humblement l’amélioration des choses qui composent notre vie en pratiquant à bon escient la politique du droit à l’erreur vis à vis de nous-mêmes et des autres.
Cette double intention “recherche d’amélioration / droit à l’erreur” nous place dans un nouveau cadre de référence qui nous fait passer d’un “sois parfait” à un
“fais de ton mieux avec ce que tu as et en apprenant à chaque fois de tes expériences”.
Améliorer les choses qui sont importantes dans la vie d’un individu est justement l’un des thèmes récurrent que je retrouve chez mes clients lors des séances de coaching.
En terme de “zenitude”, je pense que c’est … parfait 🙂
A la semaine prochaine.
Pour aller plus loin, je parlerais volontiers de l' »école de l’imperfection » à savoir l’école de l’échec comme outil de réussite.
En effet, tirer parti de façon positive de ses propres échecs nécessite de la prise de recul, du debriefing, et de la relecture d’expériences, ce que nous connaissons bien en coaching !
« Tu peux te permettre des erreurs ou des échecs, à condition d’éviter la répétition sur une même erreur ou un même échec… »
C’est tout un programme d’apprentissage et d’accompagnement !
Eric de Pommereau
Coach et superviseur certifié
Merci de ton commentaire Eric.
Le fameux « éviter de faire plus de la même chose » de notre cher Wastzlawick 😉
C’est une perfection de ne pas vouloir être parfait !
Est-ce à dire que c’est une imperfection de vouloir l’être ? 😉
Merci pour ta réaction Jean-Luc.
Yes Christophe !
Merci Christophe pour cette article de grande qualité et où je retrouve de grandes qualités de coach!
Merci encore!
Merci de ton retour Régis et de l’organisation du sujet du mois.
J’espère que cette belle édition estivale de « à la croisée des blogs » sera mémorable pour toute la communauté de blogueurs « DevPerso ».
A bientôt
Bonjour Christophe, je découvre votre blog et cet article qui me touche vraiment. J’ai fait partie de ces premiers de la classe à qui tout réussi et qui s’effondrent le jour où une note est légèrement moins bonne. Quelle pression terrible ! Depuis, j’ai décidé de ne pas être perfectionniste mais de toujours faire de mon mieux, dans tous les domaines de ma vie. Accepter de ne pas être une mère parfaite, une pro sans faille, une femme toujours au top… pas facile mais libérateur.
Il y a quelques temps, j’ai écrit ce billet que je viens de republier. Je me permets de le mettre ici, car je le crois complémentaire au vôtre : http://www.morganesifantus.com/faire-bien-ou-pas/
A bientôt !
Morgane
Merci Morgane pour votre partage et témoignage.
A bientôt
Bonjour Christophe,
Merci pour cet article. Je témoigne car malgré mon jeune âge je ne me reconnais que trop bien dans cet article. Je suis toujours en quête de la perfection, ou plutôt devrais-je dire ma perfection. Je déteste ne pas atteindre un objectif que je me suis atteint ou bien je suis déçue si je l’atteint et qu’il n’est pas exactement comme je l’aurais voulu. A l’école c’était pareil, si ce n’était pas une très bonne note, je n’étais pas satisfaite (16 ou 17/20 pouvait me paraître passable). J’ai réussi à lâcher prise sur certains points, mais j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir. Et surtout le plus dur, c’est que lorsqu’on souhaite à tout prix la perfection pour soi-même on la souhaite également pour notre entourage ce qui n’est agréable pour personne. Donc merci encore pour cet article qui a une résonance toute particulière pour moi.
Ségolène sur le chemin de la zenitude
Merci Ségolène pour votre témoignage.
Je vous souhaite donc un bon chemin vers votre quête de zenitude 😉
A bientôt