Avez-vous déjà observé des enfants s’amuser à dessiner, peindre ou créer des objets en pâte à modeler? Ce qui me fascine dans cette observation, c’est l’état de focalisation dont ils font preuve pendant cette activité. Ils sont alors à 100% de leur concentration. Je crois même qu’à cet instant, ils sont l’exemple parfait de la célèbre pensée zen, « être dans l’ici et maintenant ». Cet état est aussi appelé dans une autre mesure, le “flow”.
Il y a quelques semaines, j’étais contacté par Sandrine Sananès, responsable d’une école de peinture nommée “L’atelier de Charenton”. Cet atelier situé près de Paris, accueille essentiellement des enfants à partir de trois ans, mais les adolescents et les adultes y ont leur place aussi. Sandrine m’a proposé de créer une passerelle entre son domaine (l’art, la création, l’humain) et le mien (les rapports humains, le développement de soi et de nos capacités). C’est donc avec plaisir que je réponds par le présent billet à sa sollicitation et le partage avec vous par la même occasion.
Du dedans au dehors
Je suis loin d’être un artiste. En revanche, je considère l’écriture comme une création et à mon sens, le mécanisme qui amène un bambin à dessiner, un sculpteur à modeler, un peintre à peindre ou un écrivain à écrire est sensiblement le même dans chacun des cas.
D’après moi, la création est une projection de ce que nous sommes au fond de nous vers un support situé à l’extérieur de nous. Que ce soit une feuille de papier, un pierre brut, une toile ou un morceau de glaise, le support nous sert de contenant à l’expression d’un contenu qui, au départ, se trouve bien au chaud dans notre tripes.
Pourquoi nos tripes?
Parce qu’il n’y a rien de rationnel dans la création artistique. Sans vouloir tomber dans la psy de comptoir, l’énergie nécessaire à la création ne vient pas de notre conscience rationnelle et cognitive, mais plutôt du siège des émotions, des ressentis et des sentiments. Et si anatomiquement, nous sommes d’accord pour dire que tout se passe dans le cerveau, il est de coutume d’associer les trois domaines précédemment cités à l’emplacement du ventre, donc des tripes.
Interrogez un artiste et demandez-lui de vous expliquer le processus qu’il emploie pour être dans l’inspiration créatrice. Je ne prends pas beaucoup de risque en disant qu’il sera bien embêté de vous répondre. Si vous lui demandez ensuite de vous montrer d’où vient son inspiration, il y a fort à parier qu’il désignera une partie de son corps située quelque part entre son coeur et son ventre.
L’état de flow
Autrement appelé « expérience optimale« , l’état de flow a été initialement décrit par un professeur en psychologie hongrois du nom (un peu compliqué) de Mihály Csíkszentmihályi.
Lorsque le défi personnel est élevé et que les compétences que possède un individu pour le mener à bien le sont tout autant, alors nous pouvons dire qu’il vit à l’instant de la réalisation de la tâche, l’expérience optimale. Cet état psychologique est caractérisé par une jouissance maximale, une concentration intense, l’imprégnation complète à la tâche, une distorsion de la perception du temps ainsi qu’une perte de sentiment de conscience de soi (autrement dit, on s’oublie).
Exemple:
- Si je suis féru de planche à voile et possède un bon niveau, les sorties en mer par grand vent auront de grandes chances de me faire entrer en état de flow.
- Si je suis à l’aise avec un certain nombre de techniques de peintures, de dessins ou de sculpture, composer une création sur plusieurs heures sera une évidence et d’une facilité déconcertante.
Pour déterminer les conditions qui créent la jouissance, Mihály Csíkszentmihályi a interrogé et étudié des centaines de personnes pour lesquelles il présumait qu’elles savaient ce que c’était que d’éprouver du plaisir : grimpeurs, danseurs, champions d’échecs, joueurs de basket-ball, chirurgiens et autres.
Quel que soit l’échantillon qu’il a étudié, Csíkszentmihályi a trouvé que l’essence de la jouissance pouvait être attribuée à « l’expérience optimale ». L’expérience optimale est une expérience tellement agréable que la personne répète souvent l’activité avec l’espoir de vivre encore et encore ladite expérience *.
Comment favoriser l’état de flow?
Question cruciale si nous souhaitons renouveler l’expérience comme l’a montré Csíkszentmihályi.
Étant donné que cet état est très personnel, le mode d’accès pour y parvenir l’est tout autant. En revanche, il existe quelques éléments communs favorisant l’entrée dans l’état de flow. A chacun ensuite de trouver SA méthode pour y rester.
1- En amont de cette expérience, nous avons vu qu’il était nécessaire d’équilibrer la difficulté de la tâche avec les compétences que nous possédons pour la réaliser. En effet, si l’écart entre le défi et les compétences à mobiliser pour le relevé est trop important, nous aurons plusieurs types de difficultés:
- Si le défi est plus important que les compétences, les conséquences se caractérisent par de l’inquiétude voire de l’anxiété face au défi à relever.
- Si les compétences l’emportent sur le défi, l’engagement dans la tâche se caractérise par une concentration réduite, une implication minime, voire de l’ennui.
- A noter que la situation où le défi ET les compétences sont faibles entraîne un état de lassitude à la limite de l’apathie. Avec à la fois un défi et des compétences basses, toutes les mesures de l’émotion, la motivation et la cognition sont à leurs niveaux les plus faibles; la personne ne se soucie tout simplement pas de la tâche *.
2- Prendre quelques minutes pour se poser et focaliser son attention sur sa respiration, ses battements de coeur, la température extérieur ou les sensations de son corps. Il s’agit ainsi de prendre contact avec sa vie intérieure.
3- Diriger ensuite son attention sur tout ce qui nous entoure et se sentir connecté à chaque élément de cet environnement. Être en lien avec notre environnement ouvre nos canaux sensoriels et nous rend plus réceptif aux différents stimuli.
4- Se lancer enfin dans la tâche à réaliser en restant connecté à soi, à l’environnement et au monde qui nous entoure. Le flow n’est alors plus très loin…
Et si vous me demandez si je suis dans cet état lorsque j’écris ces quelques lignes, je vous répondrai que je n’en sais absolument rien car prendre conscience de cet état nous en fait instantanément sortir….
* “Psychologie de la motivation et des émotions” Johnmarshall Reeve. Ed. de boeck.
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Bonjour Christophe, je recherche cet état le plus possible dans tout ce que je fais car c’est dans cet état où je me sens le mieux.Je rentre dans cet état en calmant ma respiration, en étant « ici et maintenant » et en me disant : je vais donner le meilleur de moi même.
Pour écrire des articles, je ne marche que comme ça et si rien ne vient, c’est que ce n’est tout simplement pas le bon moment.
zenie
Bonjour Zenie
Merci de ton partage. C’est vrai qu’on y est bien dans le flow :-). D’où la recherche de renouvellement de l’expérience.
J’ai vu hier soir un reportage sur des funambules de l’extrême qui marchent sur un fil tendu à des dizaines de mètres de hauteurs, sans balanciers et parfois sans longe de sécurité.
Au-delà du débat danger/inconscience ou recherche de sensations fortes que cette pratique peut susciter, je pense que ces adeptes du grand frisson doivent connaitre l’état de flow quand ils marchent au-dessus du vide.
Perso, je préfère l’écriture 😀
Bonjour,
Article très intéressant. Il me permet de mettre un mot et des mots sur un état assez fréquent sur lequel je ne m’étais jamais arrêtée. Merci
Bonjour Joss
Merci de ton retour.
Si tu souhaites partager ton ressenti de cet état, tu peux le faire ici en commentaires.
A bientôt
Bonjour Christophe,
merci pour cet article très intéressant. Tendre vers cela peut être une quête de chaque instant, la créativité pouvant être selon moi à tout niveau, même dans la relation à l’autre.
Tu dois savoir que ma femme fait des ateliers de créativité (dessin, peinture,…) sur Bonson et le temps de mise en relaxation avant toute création donne une « ouverture » surprenante à sa création à venir.
A très bientôt
Merci Christophe de ton commentaire.
D’après ce que tu me dis, ton épouse semble créer les conditions adéquats pour titiller le flow 😉
A très bientôt pour nos échanges entre coachs…
Bonjour
Créativité et bien être … conditions du développement durable de la personne !
Merci de cet article
Eric de Pommereau
Hello Eric,
Petit private joke pour notre projet commun au sein d’ICF? 😉
Passionnant.
J’avais déjà lu des choses sur ce monsieur (au passage, si ça peut aider, prononcer en français «Chic-Sainte-Mihal» et prononcer en anglais «Chick – SENT-Me-High»)
J’ai fait l’expéreince de cet état de flow, parfois en écrivant, parfois en jardinant. Mais peut-être davantage dans cette dernière situation que c’est le plus manifeste car il y a peu de créativité. On retire une à une les mauvaises herbes, ça fait mal au dos, mais on ne pense à rien (croit-on). En écrivant, c’est plutôt quand on sait déjà ce que l’on veut exprimer. Pas devant la page blanche, car là, ce n’est plus du flow serein du tout !!!
Bonjour Christophe,
Je ne connaissais pas cette appellation « état de flow »; néanmoins, c’est ce que je vis dans mes séances de coaching; outre mon background pour exercer au mieux mon travail, le grand + c’est cet état d’intense concentration et de disponibilité et tout autant de plaisir, que je vis en accompagnant mes clients ; j’ai mis du temps à me rendre compte et mettre en mots ce qui se jouait dans mes accompagnements; une intense sensation de liberté et de plaisir qui libère en moi toute ma créativité; l’inconscient étant largement acteur dans la relation à l’autre ainsi que dans toute activité créative , le coktail compétences et créativité est de mon point de vue l’idéal
Au plaisir de te lire