J’ai vécu, il y a quelques jours, un épisode remarquable de « vampirisation » de mon énergie psychique. Ce phénomène que nous avons tous vécu un jour ou l’autre, m’a donné l’envie de le partager avec vous dans ce billet (c’est le côté positif de cette expérience 😉 ). Les relations humaines et les rapports humains sont aussi composées de ces petits tracas du quotidien.
Il y a quelques mois, je partageais une autre expérience liée à ce que j’appelais alors « les coupeurs de parole ». Cet article a suscité des commentaires très intéressants dont l’un des derniers connectant presque directement avec le sujet d’aujourd’hui. Si vous souhaitez lire cet article et ses commentaires, cliquez sur son titre: « Oui, mais…«
Concernant le sujet du jour, en voici le contenu.
J’étais invité à un déjeuner professionnel (encore un ) avec une dizaine de personnes et le placement à la table était libre. Je me suis donc assis où bon me semblait. A côté de moi, prenait place une dame charmante.
Après les présentations d’usage et ayant pris connaissance de mon activité professionnelle, elle s’engagea rapidement dans un discours proche du monologue et lié à ses difficultés du moment. Ce discours-fleuve qu’elle me servait en guise d’entrée me donnait une vague impression de ce qu’allait être le repas. Je pressentais la digestion difficile…
Alerte au tsunami
Ce que je qualifie désormais de tsunami verbal m’a conduit à un questionnement. Comment est-il possible de parler aussi longtemps d’une traite? Se rend-elle compte de l’espace relationnel entièrement envahi par son discours? Quelle est l’intention positive derrière ce comportement? Que faire dans cette situation? Comment sortir de cette interaction à sens unique? Allais-je devenir moi aussi un Gilette Mac Comm’ (référence à l’article dont je vous parlais plus haut)
Avant de me rendre compte de la tournure qu’allait prendre mon déjeuner, je prêtais à cette dame une oreille attentive et empathique. En même temps, c’est un peu mon job. Le truc, c’est qu’ici, je ne venais pas pour travailler, mais pour passer un moment sympa et rencontrer des gens. Le premier piège qu’il me fallait éviter était donc de ne pas me placer en posture de coach-sauveur-de-la-veuve-et-de-l’orphelin car mon interlocutrice se plaçait visiblement dans une position de victime.
Derrière les apparences
La deuxième étape de ma réflexion m’amenait à me questionner sur l’intention positive d’un tel comportement. En effet, l’un des présupposé de la PNL indique que derrière chaque comportement (qu’il soit adapté ou pas), existe une intention positive pour la personne à l’origine de ce même comportement.
Quelle pouvait être la sienne? Assez tôt dans le monologue (nous en étions au début du plat principal), je me rendis compte que cette dame n’avait en fait aucune demande liée à son imbroglio de problématiques. Son seul besoin à cet instant était de sortir « tout ça » de sa tête pour le déposer là, dans mes oreilles. Je compris alors que ce n’était pas mon métier qui l’avait incité à agir ainsi, mais ma seule présence, assis à côté d’elle à cette table. Cela aurait pu, tout aussi bien, être n’importe lequel des autres participants, le résultat aurait été le même. Son intention positive était de l’ordre du soulagement, de l’apaisement d’une tension qu’elle devait vivre comme génératrice de pression interne. Elle devait probablement avoir la sensation d’ôter la soupape de sa cocotte minute qui semblait bouillir depuis bien trop longtemps.
Bon, le gus qui prenait la vapeur dans la face, c’était moi. Pas de bol 🙂
J’ai trop mangé!
Après cette hypothèse qui m’apportait un peu plus de calme dans mon corps et ma tête, nous arrivions à la fin du plat principal et attendions le dessert.
Etant de nature gourmande, je souhaitais déguster le fondant au chocolat qui se présentait à mes yeux en étant plus concentré sur lui que sur mon interlocutrice qui d’ailleurs n’avait quasiment rien mangé depuis le début du repas. Elle ne pouvait pas tout faire, il faut la comprendre… C’est donc là que je me suis demandé comment m’extirper de cette relation unilatérale dans laquelle je m’étais enlisée.
Et bien, pour faire court, je n’y suis pas arrivé.
J’ai tenté la communication non-verbale en dirigeant mon regard vers d’autres participants, en adoptant une posture en retrait par rapport à elle, ou encore en ayant probablement une tête proche de la décomposition avancée (je ne m’en rendais pas trop compte, mais me connaissant un peu, je ne devais pas en être loin); rien n’y faisait. J’ai donc mangé mon fondant au chocolat en ayant une sensation de lourdeur… qui n’était pas liée au chocolat.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je ne lui ai pas dit, tout simplement?
Et bien je vous répondrai que ça ne m’est même pas venu à l’esprit. Je pense que malgré l’apparente situation à sens unique que je vivais, il était possible que je tinsse un rôle (imparfait du subjonctif, s’il vous plaît! 🙂 ). Je ne sais pas trop lequel, mais toujours est-il que j’étais là, en relation avec cette dame et que je ne crois pas au hasard.
La conclusion de cette histoire
Il y a parfois des situations relationnelles que nous vivons comme difficiles, tendues, ennuyeuses, laborieuses et j’en passe. Elles peuvent être la source d’inconfort, de gêne ou tout autre ressenti à priori négatif.
Et en même temps, les questions intéressantes à se poser dans ce type de contexte pourraient être:
- Quel est mon rôle dans cette situation?
- En quoi ma présence à l’Autre, la communication (qu’elle soit verbale ou non) que j’établis avec lui (ou elle), ma place dans le binôme que nous formons ici et maintenant ont une incidence sur la situation elle-même?
- Qu’est-ce qui se joue pour moi, pour mon interlocutrice, pour la relation, dans cette situation?
Et pour finir, je vous propose cette pensée de Marcel Duchamp qui pourrait servir de métaphore à cette expérience:
“Il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de problème”
Pensez à partager cet article avec vos amis sur les réseaux…
Bonjour Christophe,
Quelques propositions d’autres questions à se poser en conclusion auto-debriefing :
– Quel jeu ai-je joué moi-même ? A quel moment ?
– Comment puis-je me situer par rapport à mon authenticité ?
– Comment puis-je prendre ma place avec « le courage d’être-moi » ?
– Qu’est-ce que me renseigne cet épisode sur mon écologie personnelle ? (clin d’oeil)
Cordialement
Eric de Pommereau
Merci Eric d’apporter ta contribution (toujours de qualité) à cet article.
Bonjour Christophe,
Si je peux me permettre, j’adore cet article.
Bien écrit, imagé, il se lit d’une traite.
Un vrai plaisir.
Pour compléter le commentaire d’Éric de Pommereau, la 1er proposition de questionnement pour un auto-debriefing me semble très approprié.
Je joue le jeu en l’occurrence d’être le réceptacle d’une tension, l’interlocuteur a un besoin pressant de faire part de ses difficultés, besoin de se soulager. Cette dame avait besoin d’une oreille attentive ce jour là.
Il faut se dire que l’on est là pour accomplir une bonne action.
Dans une situation comme celle ci, il est difficile d’échapper à son locuteur (être assis au cours d’un déjeuner). A moins de se montrer peu éduqué en engageant la conversation avec son autre voisin pour couper court au monologue vampirisateur d’énergie.
Dominique
Oui Dominique. Ton apport est pertinent.
En outre, concernant le « jeu » qu’Éric mentionne dans son commentaire, je pense qu’il s’agit ici de jeu relationnel comme le décrit Eric Berne le fondateur de l’Analyse Transactionnelle dans son livre « Des jeux et des hommes ».
Mais c’est à confirmer par Eric…
“Il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de problème”
Mais alors, s’il n’y a pas de problème, pouquoi nous en parler ?
« J’ai tenté la communication non-verbale en dirigeant mon regard vers d’autres participants »
Combien de temps :
1 seconde, de temps à autre
2 ‘
5’
Plus encore, aussi longtemps qu’elle parlait, quite à passer pour un gougeat (projection, projection) ?
« Quel est mon rôle dans cette situation? »
Parloir, miroir, crachoir ?
Tout cela en toute bienveillance car me connaissant, je n’aurais peut-être pas pu éviter certains écueils (jouer le sauveur, ou lui dire avec pleins de précautions oratoires qu’elle était bavarde, ce qui l’aurait vexé malgré toutes ces précautions).
Ah la la !
Oui Gérard. Tu as parfaitement résumé l’esprit de ce billet:
« Ah la la ! » 🙂
En lisant cet article qui fait écho à des expériences similaires, je me pose la question suivante : est ce que c’est plus tolérable pour moi d’accepter le goujat à côté de moi ou d’être moi même le goujat de l’autre ? À quelles croyances je suis renvoyée, à quelle figure d’autorité je réponds en agissant ainsi ? Pas si simple d’y répondre….
J’adore ta réflexion Laurence: « est ce que c’est plus tolérable pour moi d’accepter le goujat à côté de moi ou d’être moi même le goujat de l’autre ? » qui peut se décliner à toutes le sauces en remplaçant « goujat » par tous les qualificatifs que nous pouvons plaquer sur nos semblables.
Cela me rappelle l’une des morales du film « Le dîner de con » où il est dit qu’à un moment ou un autre, nous sommes tous le « con » de quelqu’un. j’adore 🙂
Oui je confirme la référence implicite à Eric Berne et à son analyse sur les jeux psychologiques …
Pour mémoire cf. des jeux et des hommes – Eric Berne
Merci pour cette discussion qui est de l’ordre de la supervision de coachs !
Oui, bonjour. Je partage la vie d’un moulin à parole que je baptise affectueusement Francinfo , parce qu’un sujet en suit un autre sans interruption.
Quand j’ai besoin d’air, je dis « un moment s’il te plaît » et je quitte la pièce. Pendant un bref instant au début
Quand je reviens je dis aimablement : » oui? »
Après deux ou trois fois, les choses s’apaisent.
Je me suis parfois retrouvé dans ce genre de situation. L’autre parle, je tente de dire quelque chose mais l’autre reste centré sur son monologue.
Ma démarche est alors d’écouter, tout simplement. C’est un bon entraînement pour qui s’intéresse à l’écoute empathique.
Si je veux parler, je trouverais quelqu’un d’autre pour m’écouter à mon tour.
Finalement, si la situation semble difficile à supporter, il nous reste 3 options :
Partir ou demander à l’autre de se taire (ça va de la demande la plus polie à la menace la plus directe. A chacun de faire son choix)
Mais la plupart des gens resteront là à écouter poliment un monologue qui les ennuis. Pourquoi ? A chacun de se poser la question ?
Merci Pascal pour ton partage d’expérience. Ton point de vue illustre bien ce billet.
A bientôt
Bonjour, j’ai beaucoup aimé lire cet article. Je me permets un petit commentaire mais ce n’est qu’un regard candide, je ne suis absolument pas dans votre sphère d’activités à tous ! Vu de l’extérieur, j’ai envie d’écrire Christophe, que tu as tout simplement fait preuve d’empathie. Que cette empathie, nous y sommes chacun appelés selon les circonstances. Et que selon notre personnalité, nous la mettons en pratique plus ou moins naturellement. Ton histoire m’a fait sourire, tu écris de manière légère avec toujours une note d’humour, c’est très agréable ! Ca m’a rappelé l’époque où j’étais salariée. Tous les matins, j’arrivais de bonne heure. Et à peine avais-je commencé mon premier café qu’une collègue arrivait elle aussi. Sachant que je l’écoutais toujours avec attention, la première chose qu’elle faisait était de venir me voir et me raconter ce qu’elle avait sur le coeur, ce qui lui était arrivé la veille au soir etc. Selon les jours et mon degré de réveil, j’arrivais à suivre… ou pas !
Merci pour ton retour Cécile.
Je ne sais pas si j’ai vraiment fait preuve d’empathie. L’empathie est une qualité qui permet de comprendre l’émotion que ressent un individu au moment où il l’éprouve.
Dans ce contexte, je pense que mon attention n’était pas tournée vers la compréhension, mais plutôt vers la confusion 🙂
Bonjour Cher Christophe,
billet fort intéressant comme chacune de tes publications, merci pour tous ces partages de qualité.
Pour avoir expérimenté des situations identiques et pas plus loin que jeudi en soirée, j’ai mis en place une stratégie que je m’autorise plus ou moins rapidement selon mes états émotionnels et ma capacité à conscientiser que je vis dans cette situation ;o)
je l’appelle l’interrupteur, avec le plus de bienveillance possible évidemment, je prétexte une « escale technique » : toilettes, téléphone.. qui va durer suffisamment longtemps pour que mon interlocuteur ressente le besoin, l’envie, la nécessité… de se tourner vers une autre personne auprès de qui elle établira un lien de communication qu’elle souhaite.
je me prive pendant ce temps de la présence des personnes que je souhaite rencontrer et en même temps cela me permet d’échanger enfin avec eux/elles. Quand je reviens de cette interruption, je m’arrange, quand cela est possible, pour partager un certain temps auprès d’une autre personne à l’opposé de la table/ du lieu. Ainsi je suis assurée que j’ai pu au moins partager avec une autre personne. Il m’est en effet arrivé que, de retour aux côtés de notre bavard(e) auto-centré(e), le monologue reprenne, mais c’est alors plus léger pour moi et donc plus empathique aussi 🙂
Merci de ton retour Myriam.
Ta stratégie me semble très pertinente. je ne manquerai pas de la tester si une prochaine occasion de ce style se présente.
A bientôt
J’adore cet article que je partage tout suite sur facebook. Je connais ce genre de situation vis à vis de laquelle je ne sais pas quoi faire non plus. La stratégie de Myriam me semble fort intéressante. Mais ce n’est possible que quand il y a plusieurs personnes, parfois nous sommes seule avec ce tsunami verbal et là…. quoi faire.???? Il s’agit de diarrhée verbale en vérité. La seule stratégie que je connaisse pour le moment est de ne pas écouter et de sourire gentiment en pensant à autre chose et en hochant la tête de temps en temps en signe d’aquiescement.
Merci pour ce partage Christophe… Tsunami….me fait penser à catastrophe naturelle ! Et qui dit « naturelle » dit nature, d’ici à faire un lien avec la nature humaine, il n’y a pour moi…qu’un pas…
Ce billet, Christophe fait écho. Je me suis trouvé (ou je me suis placée) d’un côté et de l’autre du « fondant au chocolat » ! 🙂
C’est ainsi que je vais partager ce que j’ai vécu de part et d’autre
Il s’agit bien d’un tsunami…..par lequel celui en position « d’écoute » ne veut pas se laisser emporter, déborder et celui en « dialogue( interne) à haute voix » se laisse submerger.
Alors en effet, s’il y a 1 problème….il n’y a pas 1 solution ! et c’est peut-être là le problème ou finalement la solution.
Dans la position de « moulin à parole », le degré de conscience est variable…… »je suis consciente que j’occupe l’espace, que la relation n’est pas fluide, que mon « discours fleuve » met l’interlocuteur dans un « bain » qu’il n’a pas choisit…et là…je modifie mon comportement avec mes capacités du moment ou « je ne suis pas consciente des effets produits sur l’autre », submergée à ce moment là par mon propre tsunami intérieur……et alors là, tous les scénarios restent possibles en fonction des interactions, de la relation, du degré de maturité, d’intimité, des liens, de la flexibilité de chacun des deux protagonistes impliqués dans « le jeu ».
Quant aux intentions positives : je peux donner quelques pistes : besoin de parler à une personne perçue positivement, une marque de confiance, un besoin de partager (même si la soupe est trop salée), s’occuper de soi, se faire passer avant…
Dans la position de « l’écoutant »… que faire ? Pour l’autre « celui qui monologue », effectivement, je ne sais pas…ou pas encore…… Et pour moi-même ? subir…accueillir…agir ?
Pour moi-même, je peux faire quelque chose, un petit tour à l’intérieur : Qu’est ce que je ressens ? de quoi j’ai besoin ? Qu’est ce que je pense de l’autre ? Quels sentiments cette situation génère en moi ? Que suis-je en mesure de donner ici et maintenant ? de lâcher ? qu’est ce que je veux vivre à ce moment précis ?
Qu’est ce que cela m’apprend ? Qu’est ce que je choisi ?
Et puis après tout ça, et c’est peut-être là finalement que je m’implique le plus : faire un choix. Parole courageuse, silence, fuite, attaque, paralysie, lancer « un bois flotté »…chaque option peut être légitime dès lors qu’elle est consciente et assumée…finalement…nous sommes des êtres humains avec notre part d’ombre et de Lumière.
Dans les situations où je m’en sors plutôt bien , c’est quand je parle ou que je me tais « avec mon cœur », en respectant mes propres besoins…alors dans cet état « de grâce », je me sens à la fois ouverte et protégée des stunamis (le mien et celui de l’autre) …et quand ça se passe ainsi c’est vraiment chouette ! mais c’est pas toujours !
Merci Christophe pour ce billet. Me connaissant j’aurais certainement laissé mes pensées vagabonder ailleurs bercé par ce monologue avec la conscience tranquille de ne pas avoir mon interlocuteur (trice) interrompre son monologue par une question embarassante et soudaine du genre « et toi qu’en penses-tu? » révélant mon inattention. Je pense que la situation que tu decris est pénible mais acceptable lorsque la personne en face est un(e) inconnu(e). Beaucoup plus difficile à gérer avec un proche…ou avec son (sa) tendre moitié…
Oui, bonjour. Je partage la vie d’un moulin à parole que je baptise affectueusement Francinfo , parce qu’un sujet en suit un autre sans interruption.
Quand j’ai besoin d’air, je dis « un moment s’il te plaît » et je quitte la pièce. Pendant un bref instant au début
Quand je reviens je dis aimablement : » oui? »
Après deux ou trois fois, les choses s’apaisent.