La question qui tue lors d’un diner familial.
« Comment fais-tu pour ne pas influencer les personnes que tu accompagnes? »
Waow ! » Shocking !! » comme diraient nos amis outre-Manche. Comment ne pas être interpelé par cette question on ne peut plus pertinente ?
Bien sûr, il y a un code de déontologie, une éthique du métier de coach que je fais en sorte de suivre et respecter, mais concrètement, comment faire pour ne pas influencer mon client ? Qu’est ce qui me dit que les questions que je pose ( car le questionnement est l’un des principaux outils du coach) ne sont pas orientées?
Fais pas ci, fais pas ça!
Un des premiers principes que le coach applique (ou est sensé appliquer…) est de ne pas projeter (plaquer, donner pour vérité) sur la personne coachée ce que l’on nomme en PNL sa carte du monde. C’est-à-dire sa propre représentation du monde qui l’entoure avec ses croyances, ses convictions, ses interprétations, ses schémas de fonctionnements, ses expériences qui lui sont propres et qui n’ont rien à voir avec la problématique du client.
Ça, c’est OK, bien que pas toujours évident à maintenir dans certaines situations.
Maintenant, comment garder la neutralité nécessaire lorsqu’une question sort de notre tête (ou plus précisément de notre bouche 🙂 )?
Il existe pléthore de types de questions: ouvertes, fermées, exploratrices, puissantes, de recadrages, de reformulations, de permissions, et j’en passe.
Donc je ne suis pas sûr que le » problème » de l’influence se pose en terme de question neutre ou pas neutre, mais plutôt en terme d’objectif lié à cette même question.
Pour résumer, je (me) dirai : « Quel est mon objectif en posant cette question?
Influence vs manipulation
Nous sommes en permanence sous influence. Dès lors que nous sommes en relation avec quelqu’un ou quelque chose, il y a influence.
Par le contexte environnant, par le comportement de notre vis à vis, par nos propres comportements inconscients, par notre interprétation de la réalité, par les médias (là nous sommes parfois à la limite de la manipulation), notre culture, nos expériences, notre éducation, nos croyances, etc.
Nous vivons sous influence.
Alors je dirai que oui j’ai une influence vis-à-vis de mon client… autant que lui en a une à mon égard. C’est ainsi, car nous sommes en relation.
Et si je mets un point d’honneur à influencer quelque chose, c’est justement la relation qui existe entre nous. Car je suis animé (influencé ?) par une croyance dans ma pratique, celle que la qualité relationnelle est à la source de tout travail de changement.
En revanche je me garde de proposer ce que » je crois savoir » de bon pour lui, car en réalité… je ne sais pas et ne saurai jamais mieux que lui ce qui est bon pour lui. C’est pour cela que l’un des moyens pour rester le plus neutre possible est d’explorer loin, très loin le fonctionnement de la personne et de chercher avec elle les options possibles qu’ ELLE envisage et dont ELLE saura si elles conviennent ou pas.
La manipulation est quant à elle un procédé visant à obtenir quelque chose de quelqu’un sans son consentement grâce à des techniques de persuasion et/ou… d’influence.
Car c’est ici que je vois la principale différence entre l’influence et la manipulation. Dans la finalité du processus.
Comme je le disais plus haut, l’influence est un phénomène naturel que l’on retrouve souvent dans de nombreux contextes, mais son utilisation consciente, calculée et à finalité incitative voire abusive fait basculer la relation dans un rapport dominant/dominé, manipulateur/manipulé qui est loin d’être des plus harmonieux et où généralement la personne dite manipulée entre dans un mal-être diffus et impalpable conduisant à de grandes souffrances psychologiques.
Je profite de ce passage pour recommander la lecture d’un billet d’une consœur et blogueuse (parfois blagueuse aussi 🙂 ) sur la manipulation et ses caractéristiques : le blog d’Ithaque. Je ne développerai donc pas plus en avant ce sujet.
Savez-vous bien cuisiner?
Cette réflexion me conduit à faire un point sur les différentes approches de communication qui enrichissent la pratique de l’accompagnement, telles que la PNL (Programmation Neuro Linguistique), la Communication Non Violente, l’Analyse Transactionnelle etc.
Ces méthodes, approches ou courants, ont souvent été décriés, car assimilés aux sectes et toutes autres formes de manipulations mentales.
Ça existe, j’en suis conscient.
Et je reboucle ici avec mon propos sur l’objectif et l’utilité d’un outil.
Tout dépend de ce que vous voulez faire avec lui.
Selon vous, que pourrait faire un cuisinier de renom ou un psychopathe notoire avec un même couteau bien aiguisé ?
Je te cite :: « je ne suis pas sûr que le ” problème ” de l’influence se pose en terme de question neutre ou pas neutre, mais plutôt en terme d’objectif lié à cette même question. »
Il s’agit donc de se rendre utile en mettant ses ressources au service du questionnement éclairant. Par ailleurs, là où cela devient « totché » c’est lorsque tu ne peux pas t’empêcher de voir où le client pourrait se rendre s’il …
Tu vois ce que je veux dire ? Alors là, tu fais quoi ?
Suzanne
Bonjour Suzanne,
Je crains de ne pas avoir saisi ta question.
Tu peux préciser STP?
Bonjour Tout le monde !!
Super le coup du couteau 😉 !! mais pourquoi un psychopathe n’aurait-il pas le droit de se préparer un bon petit plat ?? Mystère !
Votre question « concrètement, comment faire pour ne pas influencer mon client ? » m’interpelle, euh..au fond, n’est il pas venu vous voir pour ca ? 🙂
Bon allez,, sérieusement, j’ai comme l’impression que cette question signifie que vous vous posez des questions sur la légitimité même de l’influence,, mais tout le monde influence tout le monde !, il parait que lorsque deux personnes dorment dans la même pièce, elles synchronisent automatiquement leur respiration.. c’est apparemment dicté par l’instinct de survie, ca date de la nuit des temps : s’ils ont survécu, comment ont-ils fait ? je peux peut être profiter de leur expérience.. ETC, nous sommes donc demandeurs d’influence, nous expérimentons, et décidons si ce changement nous correspond ou pas, Simplement, il faut respecter l’équilibre en toute chose,, où s’arrête l’influence et où commence la manipulation ?.. par exemple,, la question qu’on vous a posé était elle anodine ? ou voulait on vous amener à douter de vos procédés, et allons même plus loin, y a-t-il une accusation de manipulation là dedans ?
Mais c’est juste mon avis 🙂 Pour moi, toute influence commence par une interaction, le maitre mot est l’équilibre.
Et Bonne journée à tous !
Bonjour Houda
Merci de votre commentaire dont je partage entièrement le contenu. Il donne un éclairage supplémentaire sur cette notion d’influence.
A bientôt.
(Bon désolé, je suis un peu long mais la réflexion en vaut la chandelle)
Bonjour Christophe,
Influence ou manipulation? Techniquement ou (dirais-je plus précisément) psycho-sociologiquement parlant, c’est la même chose (Cf. l’excellent livre de Beauvois et Joule « Petit traité de manipulation à usage des honnêtes gens »). Féliciter son enfant car il a une bonne note procède de la même technique qu’encourager un collaborateur pour qu’il s’investisse davantage. Alors où est la différence s’il y en a une? (différence qui est de l’ordre de la morale car n’est-ce pas de cela qu’il s’agit: qu’est-ce qui est bien ou mal?)
Y a-t-il manipulation quand on cherche à obtenir quelque chose de quelqu’un sans son consentement? (suggestion de l’article)
Mais le parent qui félicite son enfant, conscient qu’il cherche à l’influencer positivement, est-il moralement un manipulateur? Le coach qui use d’une technique pour mettre en lumière une posture inadaptée de son client sans lui avoir expliquée auparavant est-il moralement un manipulateur? Pas sûr.
Je reprendrai plutôt le terme « finalité » utilisé dans l’article. Si la finalité de l’acte est au profit de l’accompagné, je parlerais d’influence. Si elle est au profit de l’accompagnateur, je parlerais de manipulation.
Et en disant cela, je n’ai finalement rien dit et le travail ne fait que commencer car en effet l’accompagnateur ne doit pas cesser de questionner sa pratique : ok je cherche le bénéfice de l’autre mais lequel?
D’avoir les mêmes prises de conscience que j’ai à son sujet? Sont-elles pertinentes pour lui?
De se débarrasser d’une croyance que je juge inappropriée? Si elle l’est pour moi, l’est-elle vraiment pour lui, ici et maintenant?
De l’aider à développer telle qualité? Mais cette qualité en est-elle une dans son système de valeurs ou par rapport à sa personnalité ?
Ce questionnement permanent est me semble-t-il l’enjeu principal d’un accompagnement professionnel de qualité.
Et ce type d’article me semble témoigner de ce salutaire questionnement
Merci Christophe!
Merci Stéphane pour la qualité de ton intervention, à laquelle j’adhère en tout point.
Elle donne de la profondeur de réflexion à ce sujet.
J’ai apprécié l’article et les échanges sur cette question de l’influence et de la manipulation.
Il y a un point que je ‘ai pas repéré : la question de la posture du coach qui , s’il respecte le code de la profession, doit être basse ou égale. Le gourou aura une posture haute : il sait pour vous. Le coach ne sais rien et même se « contrefou » de savoir…
En tant que coach , je me fous d’avoir raison quand j’accompagne un client, alors que dans la vie courante … demander à mes enfants !
Cette posture basse permet de garder l’autre dans sa position d’adulte responsable de ses choix.
Ce qui change quand je ne coache pas, c’est que je cherche à faire adhérer les autres à mes idées,à mes projets : anglais on parle d' »enrolment » , terme anglais intraduisible par un mot qui signifie « créer chez autre une envie tel qu’il décide d’en être l’auteur » .
Evident que tout dépend qui utilise le couteau !