Partager la publication "Intolérance à la frustration. Mère de tous les maux ? (Partie 1/2)"
« Put*** de bor*** de mer**; Ca me casse les coui** !!! ». Voilà l’un des mes jurons préférés quand un truc me résiste; du genre un meuble IKEA qui ne s’emboite pas aussi facilement que la notice veut me le faire croire. À première vue, on pourrait penser que c’est de la colère que je manifeste à ce moment-là; mais en fait, il y a un petit ingrédient qui s’invite dans la partie, la déception. Et au final, quand vous associez colère et déception, vous obtenez un nouveau sentiment très désagréable, la frustration. C’est de la frustration que je vais vous parler dans cet article et le suivant; ainsi que de l’une de ses principales problématiques, l’intolérance à la frustration.
Pour tout vous dire, l’idée de cet article m’est venu alors que j’animais un atelier de groupe auprès de personnes souffrant d’anxiété, de dépression ou de conduites addictives (souvent les trois à la fois). Lors des échanges, le sujet de la frustration et de son intolérance est venu sur la table. De là, un travail riche et intéressant a suivi. Etant donné que ce sentiment est hyper répandu à des degrés divers chez chacun de nous, je me suis dit que le sujet pourrait aussi vous intéresser.
C’est quoi la frustration ?
Pour faire simple, c’est un état émotionnel inconfortable généré par l’écart que l’on perçoit entre nos désirs (ce que l’on veut) et la réalité (ce que l’on obtient). Plus l’écart est grand, plus la frustration sera intense.
Cette frustration est dirigée vers plusieurs « objets » :
- Soi (depuis « échouer à monter un meuble » jusqu’à « abandonner un projet de vie »)
- L’Autre (depuis « l’absence de réponse à un sms » jusqu’au « déni d’existence »)
- Le Monde, la Vie (depuis « le sale temps qui empêche d’aller à la plage » jusqu’aux « inégalités sociales à travers le monde »)
Des situations frustrantes, il y en a pléthore dans tous les domaines de notre vie. Si je vous le demandais, vous me donneriez mille exemples de situations frustrantes en quelques minutes.
- Le refus d’une augmentation
- La voiture qui ne démarre pas
- Le voyage qui s’annule pour cause de Coronavirus 😉
- Le lapin que vous a posé votre nouvelle rencontre
- Le PC qui met dix ans à démarrer (sous windows bien sûr…)
- La hotline de votre FAI qui ne résout pas votre problème de connexion
- Le musée qui est fermé le seul jour où vous avez fait cent bornes pour vous y rendre
- La formation que vous aviez prévue de suivre et qui a été annulée faute de participants
- etc. etc.
A la lecture de ces différentes situations, il y a un autre élément important à prendre en compte pour parler de frustration; c’est le fait de considérer comme acquises vos attentes de départ. Nous autres, êtres humains, aimons particulièrement contrôler notre environnement. Et plus encore, nous croyons fondamentalement que c’est possible. Belle illusion que voilà !!; il y a bien plus de choses hors de notre contrôle que nous ne l’imaginons. Et quand on se retrouve confronté à toutes ces limites chez soi, chez l’autre ou dans le monde qui nous entoure, alors là, ça vient piquer notre sentiment de toute puissance.
Compte tenu de ces différents paramètres, j’oserais vous proposer une « formule » de la frustration :
Autrement dit, si vous voulez diminuer votre niveau de frustration, il y a 2 paramètres sur 3 sur lesquels agir. Le seul qui n’est pas modifiable est le paramètre de la Réalité (encore que, vous pouvez lui attribuer un autre sens qui vous conviendrait mieux; mais bon, admettons).
Donc au final, si vous arrivez à diminuer votre niveau d’attente, à accepter que des limites existent en ce bas monde (physiques, sociales, culturelles, économiques et j’en passe) et qu’en plus il y a des tas de choses sur lesquelles vous n’avez aucun contrôle, alors il y a fort à parier que l’intensité des frustrations que vous traversez sera de l’ordre de l’inconfort et non plus de la souffrance.
Le terreau fertile pour faire pousser de la frustration (en grappe)
Si vous me lisez depuis quelques temps, vous savez que je m’intéresse aux biais cognitifs. Ces raccourcis pris par notre cerveau pour prendre des décisions ou émettre des opinions. Il y en a quelques-uns qui offrent un joli terreau pour cultiver les frustrations de toutes espèces.
Petit florilège non-exhaustif :
- Le biais du monde juste qui consiste à croire que le monde ne serait pas aléatoire, imprévisible et désordonné et que chacun reçoit ce qu’il mérite et mérite ce qui lui arrive (source)
Exemple : je crois que si je suis bon dans mon domaine, alors je vais avoir le succès que je mérite dans ce même domaine (et donc si j’ai pas de succès alors… frustration)
- Le biais du tout ou rien qui consiste à classer une situation selon deux polarités uniques et opposées (source)
Exemple : je crois que si un obstacle se dresse entre moi et mon projet alors il vaut mieux carrément que j’abandonne le projet (et donc si un obstacle se présente (et c’est fort probable comme dans tous les projets) alors j’abandonne et donc… frustration)
- Le biais d’excès de confiance qui consiste à surévaluer la confiance que l’on place dans nos jugements et prises de décisions (source)
Exemple : je crois que si je prends ce raccourci que je n’ai jamais pris alors je vais arriver plus vite à ma destination (et donc si je m’égare et arrive en retard alors … frustration)
- Le biais d’illusion de contrôle que je citais plus haut qui consiste à surestimer notre capacité à contrôler notre environnement et les événements aléatoires qui s’y rattachent (source).
Exemple : je crois que si je dis « s’il te plaît » à ma voiture qui ne démarre pas, alors elle va démarrer (et donc si elle ne démarre toujours pas alors… frustration)
- Le biais d’escalade de l’engagement qui consiste à continuer en vain les comportements, situations ou projets dans lesquels nous avons déjà investis de l’argent, du temps ou des efforts, même si nous n’en avons plus envie ou que cela ne vaut plus le coup (source)
Exemple (vécu) : continuer à investir du temps et de l’argent dans un projet parce que je crois que « ça va finir par payer » (alors que les bénéfices sont quasi inexistants et donc… frustration)
To be continued
Voilà pour cette première partie qui vous donne déjà un aperçu de ce que peut être la frustration et comment certains biais de notre cerveau peuvent l’activer. Je vous ai proposé une formule qui, d’après moi, résume bien les éléments qui entrent en jeu dans la frustration à savoir : les attentes que l’on a sur le monde par rapport à la réalité que ce monde nous impose, majoré par l’illusion du contrôle que l’on pense avoir de ce même monde.
La prochaine fois, je vous proposerai de remonter un peu à la source de nos frustrations, de voir qu’il est possible « d’apprendre » cette émotion et bien sûr de faire le point sur l’intolérance à la frustration et des pistes pour mieux l’appréhender.
Pensez à partager cet article avec vos amis sur les réseaux…
C’est super drôle de lire cet article, car j’ai récemment abordé le sujet sous un autre angle.
J’ai notamment parlé du cercle d’influence par rapport au cercle des préoccupations (développé dans le livre « Les 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent ».
Dans le cercle de préoccupation, on retrouve pleins de choses sur lesquelles nous ne pouvons avoir aucun impact, et auxquelles nous consacrons pourtant beaucoup d’énergie, jusqu’à les laisser nous frustrer. (Typiquement, le temps qu’il fait, surtout quand le soleil n’est pas au rendez vous).
Se défaire de ses frustrations, c’est changer la perception que l’on a de la réalité. On peut avoir des attentes extrêmement élevées, même n’ayant rien à voir avec la réalité selon moi. Il faut cependant avoir la sagesse et la patience de comprendre que la réalité est là pour nous faire évoluer et finalement atteindre nos attentes par l’apprentissage et les efforts.
Merci pour cet article en tous les cas Christopher !
Merci Guillaume pour ton apport complémentaire sur le sujet.
Je t’y rejoins volontiers.
A bientôt