Dans la série des petites habitudes de communication néfastes pour la qualité relationnelle (et qui ont tendance à m’agacer à minima ), je demande la coupure de parole. J’ai assisté la semaine dernière à un déjeuner classique de réseautage professionnel où les participants étaient assis autour d’une table ronde et se présentaient à tour de rôle pendant la durée du repas. Je vous le donne en mille, qui était à ma table? Le ninja de la conversation, le samouraï de la communication, l’indien Jivaro du dialogue, je veux bien entendu parler… du coupeur de parole.

Voici le tableau

Dès qu’une personne se présentait et parlait de son activité, le coupeur de parole (appelons-le au hasard Gillette mac Comm 🙂 ) ne laissait pas terminer la phrase de l’interlocuteur et enchaînait directement sur une des idées qui lui venait spontanément, sans prendre la moindre mesure de ce que ce comportement générait chez l’autre.

Étant observateur de cet échange aussi fluide que la circulation sur autoroute le dernier Samedi du mois de Juillet, je constatais l’état de malaise grandissant chez celui qui tentait de se présenter. Moi-même, je ressentais un mélange bouillonnant de colère vis-vis de Gillette mac Comm ainsi que de frustration et de gêne pour son interlocuteur . Ce dernier ne tarda pas à élever mécaniquement le ton de sa voix afin de prendre un hypothétique ascendant sur l’expert de la découpe.

Peine perdue!! Gillette mac Comm sortit ses plus belles techniques de coupes, à faire pâlir Miyamoto Musashi (un des plus célèbre samouraïs de l’époque du XVII ème siècle) et reprit la parole à son compte.

Finalement, le pauvre bougre qui tentait en vain d’en placer une, vidé de son sang de mots et de phrases coupés, capitula en laissant l’espace de paroles à Gillette Mac Comm.

Que nous apprend cette expérience?

Couper la parole à quelqu’un qui s’exprime revient à l’interrompre dans le déroulement de sa réflexion et de sa pensée. C’est donc perdre une quantité incroyablement riche d’informations sur qui il est, ce qu’il fait, comment il fonctionne et ce qui l’anime.

C’est aussi générer chez lui un sentiment de frustration intense faisant rapidement place à de la colère. Et suivant la sensibilité du principal intéressé, il peut soit exploser et entrer dans un conflit ouvert avec son coupeur de parole, soit retourner sa colère contre lui et entrer dans une sorte de culpabilisation et de baisse de l’estime de soi pour ne pas avoir réussi à parler comme il le voulait. Dans les deux cas, la qualité relationnelle est largement compromise.

Dans les échanges quotidiens, que ce soit au travail, à la maison ou dans d’autres lieux qui nous place en contact avec nos semblables,  je crois qu’une des principales clé de la qualité relationnelle est l’accueil de l’autre (j’ai écrit récemment là-dessus) et son écoute. Et à mon avis, il ne peut y avoir accueil et écoute si la parole d’un individu est coupée toutes les deux minutes pour y placer la notre.

Qui est Gillette mac Comm?

En fait, le coupeur de parole ne vous écoute que d’une oreille lointaine. La plupart de son attention est tournée sur lui-même et sur ses idées propres. Vos propos ne sont que l’objet sans consistance qui vient alimenter sa propre opinion et qu’il éructera (mot choisi) dès qu’il aura bouclé son monologue interne. Tout ceci bien sûr sans aucune considération du moment où vous en êtes dans votre récit.

J’imagine plusieurs facteurs liés à ce type de comportement et très souvent liés les uns aux autres. Je précise que ce ne sont que mes interprétations et non une réalité. Si d’ailleurs vous en voyez d’autres, partagez-les en commentaires pour enrichir l’article 😉

Alors, qu’est-ce qui fait que Gillette mac Comm coupe la parole?

  • Un besoin de reconnaissance non satisfait?
  • Un besoin de s’affirmer au détriment de l’autre?
  • Un besoin d’occuper l’espace de l’autre et de la relation?
  • Un besoin de garder un contrôle sur l’autre et sur la relation?
  • Un besoin d’asseoir sa légitimité sur un sujet (qui n’a généralement  rien à voir avec ce qui est dit)
  • Une difficulté à faire le silence en lui et donc le vide pour accueillir les réflexions et pensées de l’autre?
  • Une passion dévorante qui l’habite pour tous les sujets et débats en tout genre?
  • Une mémoire à court terme défaillante qui l’empêche de se souvenir de ce qu’a dit la personne lorsqu’elle est arrivée au bout de sa réflexion 🙂 ?

Bref, que ce soit un besoin non satisfait, une difficulté ou une excitation, Gillette mac Comm pratique l’antithèse de l’écoute et de la qualité relationnelle.

Paroles de candidats

Il y a en revanche d’autres contextes plus précis dans lesquels ce type de comportement est employé volontairement (même si je ne le cautionne toujours pas.). Si vous regardez ou écoutez les débats qui foisonnent en ce moment à la télé ou à la radio avec nos politiques entre eux ou en interview avec des journalistes, la coupure de parole est devenue une institution.

Et l’effet pervers dans ce contexte est remarquable. En effet, les acteurs de ces évènements ont tellement été habitués à la coupure de parole, que désormais si celle-ci ne figure plus dans le champ de leur débat, ils en viennent à dérouler un monologue tellement long qu’il en devient incompréhensible. C’est à la limite de la diarrhée verbale (désolé pour l’image 🙂 )
Certains journalistes excellent dans cet art. Je pense notamment à Jean-Jacques Bourdin sur RMC et Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Ils parviennent à couper la parole de leurs invités à des moments très précis pour les faire bifurquer sur une autre idée ou remarque. C’est tout un art… et un métier.

Et pour vous?

Que vous ayez subi les assauts de Gillette mac Comm ou que vous vous reconnaissiez un peu en lui, j’espère que vous aurez, grâce à ces quelques lignes, un regard amusé et éclairé lorsque vous serez dans ce type de situation.


Si vous vous reconnaissez dans cet article et voulez améliorer votre communication, contactez-moi ici. Nous pouvons travailler ensemble.


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