Je reçois aujoud’hui un nouvel invité dans les pages du blog. Il s’agit de Julien Gueniat, auteur du livre 2h chrono pour mieux s’organiser et du blog sur l’organisation Organisologie.com. Dans la lignée d’un article qui date de l’an pépin de ce blog (Plus ça change, moins ça change), Julien m’a proposé de traité le sujet de la résolution de problème sous l’angle de l’approche systémique. Une approche que j’affectionne particulièrement car elle propose souvent des interventions qui vont à contre-courant des évidences.


Avez-vous déjà été plongé dans cette situation ? Vous êtes empêtré dans un problème relationnel. Que ce soit un problème avec un collègue, un client, un ami…  Vous vous débattez depuis des semaines, voire des mois, mais pas de solution en vue. Et plus vous vous débattez, plus le problème semble empirer. Comme des sables mouvants.

Un exemple ?

La jalousie de votre conjoint vous pose un problème.  Mais plus vous tentez de le rassurer, plus il se fait des films (et plus sa jalousie augmente). Après tout, si vous étiez réglo, vous ne tenteriez pas de le rassurer, non ? (C’est ce qu’il se dit en tout cas).

Dans ces situations, l’approche systémique peut aider. Mais cette manière de voir le monde ne s’applique pas uniquement aux problèmes qui prennent naissance dans la relation avec les autres.

L’approche systémique peut aussi vous aider à résoudre des problèmes d’organisation, des problèmes d’insomnies, des problèmes d’alimentation…

Voyez cela comme un outil de plus à votre disposition pour gérer au mieux votre quotidien.

Avant de partager avec vous les 3 principes de l’approche systémique, je vais vous parler d’un problème que j’ai résolu en utilisant une technique systémique.

En 2016, ma fonction était convoitée…

À cette époque, j’étais encore salarié. Je venais de prendre un nouveau poste dans une nouvelle boite. Mais sans le savoir, j’avais pris le poste d’une personne qui convoitait celui-ci depuis un moment. Sans surprise (avec un peu de recul) cette personne ne me transmettait pas les informations dont j’avais besoin pour avancer dans mes projets. 

Elle me mettait des bâtons dans les roues.

Et pour résoudre ce problème, j’ai testé les solutions de « bon sens » :

  • J’ai demandé plusieurs fois à cette personne de me transmettre les informations.
  • Je l’ai appelée pour répéter ma demande.
  • J’ai mis notre responsable en copie.
  • J’ai continué d’appeler.
  • Et je m’enfonçais.

Heureusement, je me suis souvenu que pour mieux comprendre les intentions d’une personne, il est nécessaire de regarder ce qu’elle fait… plutôt que ce qu’elle dit.

Cela ne me permet pas de savoir pourquoi une personne agit d’une certaine manière, mais cela me donne une idée plus fiable pour évaluer l’efficacité de mon approche.

À ce stade, je décide d’utiliser l’approche systémique.

Un jour, après la séance, je m’approche de cette personne, et je lui dis « Jean, tu peux conserver autant longtemps que tu veux les documents que je t’ai demandés. Cela m’arrange. Car si tu me les envoyais maintenant je ne pourrais pas justifier à notre chef le retard dans mon projet ».

Devinez ce qu’il s’est passé quelques heures plus tard ? J’avais en ma possession les documents que je réclamais depuis des semaines.

Maintenant cet exemple peut sembler discutable (sur le plan éthique), mais l’approche systémique n’implique pas uniquement les autres.  Vous pouvez utiliser des solutions systémiques sur des problèmes qui n’impliquent que vous. C’est ce que j’ai fait pour en finir avec mon insomnie chronique.

Les trois principes de tout système complexe:

Avant d’aller plus loin, il est important de comprendre la signature que partagent les systèmes complexes (un système est un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon certains principes ou règles.)

Principe systémique #1 : Homéostasie ou équilibre constant

Chaque système va tenter d’atteindre et maintenir un équilibre.

Il s’agit par exemple de votre température interne. Qu’il fasse 0°C ou 45°C dehors, votre température reste à 36,7°C environ.

Le système que vous formez avec votre conjoint va réagir au changement quand vous tentez de sortir de cet équilibre. Par exemple, si un soir, sans prévenir, vous allez dormir du côté du lit habituellement utilisé par votre partenaire, vous pourrez voir la résistance du changement à l’œuvre.

Essayez et vous verrez.

Le système humain tente aussi de créer et conserver un équilibre mental. Toute croyance différente va avoir tendance à être rejetée. Ainsi, si vous ne croyez pas au réchauffement climatique, vous aurez tendance à rejeter les arguments anti-CO2.

Ce qui nous amène à un point important : tous les équilibres ne sont pas fonctionnels. Certains équilibres sont dysfonctionnels pour la survie du système.

Par exemple, 

  • l’habitude de fumer. Certes, cela aide le système à aller mieux sur le court terme (en gérant le stress par exemple, ou en évitant de se remettre en question en arrêtant), mais sur le long terme, statistiquement, un humain qui fume va vivre moins longtemps qu’un non-fumeur.
  • Ou une entreprise qui continue de générer de nouveaux clients, mais qui malmène ses employés.
  • Ou le système capitaliste qui a comme seul objectif la maximisation du profit… et qui en faisant cela, risque de s’effondrer.

Cette notion d’équilibre fonctionnel / dysfonctionnel est importante à prendre en compte pour la résolution de vos problèmes.

Principe systémique #2 : Le principe de totalité : 1+1 = 3

Le principe de totalité donne naissance à l’émergence. C’est-à-dire qu’une qualité va apparaître en mettant ensemble des éléments qui, à eux seuls, ne peuvent pas créer cette qualité.

Prenons l’exemple du feu. Pour faire un feu, vous avez besoin de 3 éléments: de l’oxygène, du combustible et une source de chaleur. Si vous retirez l’un de ces éléments, vous n’aurez pas de feu.

Maintenant, admettons que l’on se rencontre pour parler d’organisation (ma spécialité au moment où j’écris ces lignes). Vous me parlez de vos défis actuels, je vous pose des questions et une discussion se crée. Dans ce cas, l’émergence est les idées que vous aurez en discutant avec moi. Vous n’aurez pas les mêmes idées avec une autre personne. Cela ne veut pas dire que les idées que vous avez avec moi sont meilleures ou pires. Cela signifie qu’en parlant avec une personne, vous pensez à des choses imprévisibles auxquelles vous n’auriez pas pensé en restant seul.

Quand on comprend cela, on réalise que l’on a sa part à jouer dans un problème qui implique un autre humain. Les relations sont comme le tango. 

En changeant de comportement (accélérer mon pas de danse), les probabilités de voir l’autre changer de comportement augmentent.

Beaucoup de problèmes impliquant des systèmes humains naissent dans la relation. C’est bien connu. Il faut une personne qui accepte de se faire manipuler pour que le manipulateur puisse exister.

Gardez en tête que vous aurez beaucoup plus d’influence sur les autres à travers vos comportements (plutôt que vos mots).

Principe systémique #3 : Équifinalité

La même solution dans des systèmes complexes similaires n’aura pas les mêmes effets.

Héraclite le disait déjà 6 siècles av. J.-C. : aucun homme ne traverse deux fois la même rivière. Il souligne ici l’impermanence de notre monde. Et ce qui a fonctionné dans le passé peut ne plus fonctionner. 

Pourquoi ? 

Une multitude de facteurs peuvent en être la cause, mais en systémique, on ne se pose pas trop de questions sur le pourquoi. On va plutôt travailler sur le comment. Comment arriver à l’état désiré? Le pourquoi est une boîte noire.

Garder ce principe d’équifinalité en tête aide beaucoup. On réalise rapidement que ce qui a fonctionné dans le passé, ou ce qui fonctionne chez les autres dans des situations semblables, n’est pas certain de fonctionner dans notre situation.

Mais plus important encore, on accepte que dans certaines situations, nous n’avons pas besoin de savoir pourquoi un problème existe pour pouvoir résoudre celui-ci. 

À présent, quelles sont les 3 étapes pour résoudre vos problèmes tenaces en toute autonomie?

J’ai testé à différentes reprises ces étapes lorsque les solutions « logiques » ne fonctionnaient pas.  Revenons sur les 3 étapes pour résoudre les problèmes tenaces:

1. Identifier et lister les tentatives de solution utilisées jusqu’à ce jour

Si le problème est tenace (et qu’il vous fait souffrir), vous avez probablement déjà essayé de le résoudre. Et parfois, ce que vous tentez de faire maintient le problème en place. 

  • Par exemple, plus vous voulez être en sécurité, plus vous voyez des choses qui menacent cette sécurité. 
  • Plus vous faites des contrôles santé chez le médecin, plus vous découvrez des choses qui pourraient être dangereuses pour votre santé.

Si vous êtes face à un problème tenace, la première étape consiste à lister tout ce que vous avez fait pour maintenir le problème en place.
Prenons désormais mon problème d’insomnie chronique qui a duré au total 4 mois.

Voici ce que j’avais fait pour résoudre mon insomnie: 

  1. Ne pas faire de sieste la journée
  2. Ne pas boire de café
  3. L’autohypnose
  4. Se faire masser avant d’aller au lit
  5. Manger des bananes avant d’aller au lit
  6. Faire des exercices de respirations
  7. Déconnecter les écrans 2 heures avant l’heure du repos

Tous ces éléments ne m’ont pas permis de retrouver le sommeil. Cela ne veut pas dire que ces conseils ne sont pas utiles pour d’autres personnes ou dans d’autres situations. Souvenez-vous de l’équifinalité.

Maintenant, la deuxième étape : 

2. Trouver la direction commune des tentatives de solution.

Si je prends de la distance avec les tentatives de solution, je peux voir que la direction commune est de réussir à dormir. Dans ce cas c’est évident, mais dans d’autres, cet exercice nous offre une autre perspective sur notre problème.

Et maintenant, la dernière étape

3. Tester l’opposé et écoutant le feedback

Tester l’opposé est une technique déroutante pour la plupart d’entre nous. Déroutante parce que souvent illogique. 

Mais souvenez-vous, nos actions pour résoudre un problème complexe peuvent maintenir celui-ci en place (vouloir absolument être en sécurité me rend anxieux ou alors, plus je cherche à contrôler mon environnement, plus je perds le contrôle). Dans mon cas de l’insomnie, après 3 mois et demi à mal dormir j’ai décidé que j’allais profiter de cette opportunité pour travailler la nuit sur mon blog. 

J’avais atteint un point de souffrance suffisant pour tester des techniques que je n’aurais pas testé sans cette souffrance.

Cette idée va à l’opposé de « réussir à trouver le sommeil ». Si je me réveille la nuit, je ne reste pas dans mon lit et je vais avancer sur mon blog. 

Que s’est-il quand j’ai tenté de ne plus me rendormir lors de mes réveils nocturnes?

  • La première nuit, je suis resté éveillé 1h30
  • La deuxième nuit, 40 minutes.
  • La troisième nuit, 20 minutes environ.
  • Et la quatrième nuit, je ne me suis pas réveillé une seule fois.


J’attire votre attention que je ne sais toujours pas pourquoi j’ai fait des insomnies. Mais cela ne m’a pas empêché de trouver une solution.

L’obstacle à cette dernière étape? 

Pour oser mettre en place une solution opposée à tout ce qui a été fait jusqu’ici, vous devez souffrir. La souffrance est un levier puissant au changement (et chacun à sa propre tolérance à la souffrance). Si vous n’êtes pas prêt à agir de manière opposée, c’est souvent que vous ne souffrez pas suffisamment.

Et c’est OK ainsi.

Dans ce cas, attendez un peu que la situation empire. Une personne qui se plaint sans changer est souvent un signe que la souffrance est encore tolérable. 

Je parle plus en détail de la notion de souffrance dans mon article sur l’approche systémique.

Observer le feed-back c’est essentiel.

Souvenez-vous, vous voulez résoudre vos problèmes de manière autonome. Ainsi, personne ne vous dira si ce que vous faites est juste ou faux. Vous devez donc définir avec précision votre point de départ. 

  • Quelle est votre situation actuelle?
  • Qu’est-ce qui vous fait souffrir précisément?
  • Combien de fois est-ce que cela arrive?

 Une fois que vous aurez une image claire de votre situation de départ, vous allez définir la situation que vous souhaitez rejoindre. L’état désiré futur sans le problème existant.

  • Dans mon premier exemple, c’est avoir les documents de Jean.
  • Dans mon deuxième exemple, c’est de pouvoir dormir 8h par nuit.

Puis, vous allez tester des approches différentes en regardant si la situation s’améliore. Cela peut prendre du temps. Mais testez jusqu’à trouver ce qui fonctionne pour votre système à vous.

Le piège des solutions miracles

Dans certains domaines, il existe des solutions apparemment « miracle ». Plutôt que de changer d’alimentation, continuer à manger normalement en prenant des pilules pour maigrir.

Plutôt que de vous questionner sur votre sommeil, prendre des somnifères (le soir) et du café (le matin).

Faites attention à ces solutions miracles. Souvent, sur le long terme, il y a un coût important pour le bon fonctionnement de votre système.

Pour aller plus loin dans l’approche systémique.

Ce billet était une introduction à l’approche systémique. Je ne peux que vous recommander d’aller plus loin en découvrant les livres suivants. Ils sont classés du plus compréhensible (pour un débutant dans le domaine) au plus complexe.