Partager la publication "Lettre à toi qui as le cul entre deux chaises"
Te voilà avec un beau conflit de loyauté sur les bras. Bien lourd à porter n’est-ce pas ? Tu m’as clairement dit que le truc commençait sérieusement à t’épuiser. Tes nuits sont courtes et hachées, comme le témoignent les valises que tu portes sous les yeux (celles-là elles vont direct en soute tellement elles sont volumineuses). Je te propose avec ces quelques lignes de revenir un peu sur notre échange et re-mettre en lumière les éléments clés qui en ont émergés.
Qu’est-ce qu’un conflit de loyauté ?
En général, on retrouve ce terme de conflit de loyauté chez les enfants dont les parents se séparent et « manipulent » leur progéniture pour obtenir son amour exclusif; ou encore dans des situations plus dramatiques comme l’inceste où la place du « secret » est à la base de ce conflit.
Bien entendu, dans ta situation il ne s’agit pas de ça, mais du sens plus général qui est donné au conflit de loyauté. Il s’agit donc là de ce malaise que tu éprouves car tu es face à un dilemme concernant ton lien relationnel avec deux personnes qui te sont chères. Pour reprendre ta formule très parlante, tu as « le cul entre deux chaises et c’est très inconfortable »
On retrouve aussi cette situation sous un autre terme que nous avions déjà vu dans le passé : la double contrainte. Celle-ci est plus d’ordre psy, mais le processus est sensiblement le même : quelle que soit la décision que tu prends, le résultat te fera souffrir. Et là où ton dilemme ressemble très fort à une double-contrainte, c’est qu’il t’a été posé (voire imposé) par ton partenaire (l’un des deux protagonistes dans cette histoire).
Petit rappel des faits
Comme je te le disais, quand mes clients se retrouvent en situation de flou artistique, je les invite à décrire les faits observables de ce qu’ils vivent. En effet, quand les émotions s’invitent dans la partie, elles viennent considérablement influencer les pensées (et pas forcément en bien). Du coup, la porte est grande ouverte aux erreurs d’interprétations, biais cognitifs et autres conclusions hâtives qui viennent renforcer le sentiment de pédaler dans la semoule. Je reconnais que c’est pas évident de lever alors la tête du guidon, mais l’intérêt d’être accompagné dans cette démarche prend alors tout son sens.
Pour rappel, tes émotions sont là pour te signaler que ce que tu vis actuellement est différent de d’habitude, qu’un ou plusieurs de tes besoins n’est pas satisfait en ce moment. Tirer des conclusions d’après ce que tu éprouves est malheureusement le résultat d’un biais cognitif au doux nom de « biais de raisonnement émotionnel« .
Voici donc les éléments factuels de ta situation :
- Tu es en relation avec une amie que tu décris comme proche depuis 8 ans
- Tu es en relation amoureuse avec ton compagnon depuis 6 mois
- Un différend est né entre eux il y a quelques semaines
- Ton amie ne souhaite plus côtoyer ton compagnon lors des sorties
- Ton compagnon ne souhaite plus que tu côtoies ton amie, même seule
- Aujourd’hui il t’impose l’ultimatum « c’est elle ou moi »
- Tu es dans la mouise (bon OK, là c’est pas un élément factuel)
De ce constat, il ressort plusieurs pistes de réflexions que je vais te partager là, maintenant, tout de suite.
Piste 1 – Sortir du triangle dramatique de Karpman
Dans une situation qui part en sucette, généralement les personnes impliquées jouent sans le savoir un jeu psychologique dont la principale issue est un retournement de situation brutale à un moment ou un autre (un coup de théâtre). Dans ce jeu, les personnes impliquées jouent trois types de rôles :
- La Victime : dont la tendance est de se sentir impuissante et non responsable de ce qui lui arrive. En général, relationnellement parlant, elle attire un Persécuteur et/ou un Sauveur qui voient en elle une belle opportunité d’exercer ses « talents » de Persécuteur ou de Sauveur. Sa principale méconnaissance est « Je ne peux pas résoudre mon problème »
- Le Sauveur : dont la tendance est d’infantiliser la Victime en la dépossédant de ses initiatives pour résoudre un problème. Le Sauveur fait à la place, même si rien ne lui a été demandé. Sa principale méconnaissance est « La Victime est incapable de résoudre son problème ».
- Le Persécuteur : dont la tendance est de rabaisser la Victime, critiquer ses attitudes, la juger voire la dénigrer. Son intention cachée est de combler une faille dans sa propre estime de soi avec les « débris » issus de son travail destructeur avec la Victime. Sa principale méconnaissance est « La Victime n’a pas d’importance »
A noter que les rôles sont « dynamiques »; c’est à dire que potentiellement, ils tournent d’une position à l’autre en fonction de l’évolution de la situation.
De cet éclairage plutôt théorique, je t’invite donc maintenant à repérer dans ta situation qui sont les acteurs pouvant « jouer » l’un ou l’autre de ces rôles. Et si tu te reconnais dans l’un d’eux, l’invitation que je te propose, est de sortir du jeu afin d’observer d’un oeil extérieur ce qui se joue dans cette situation.
Peut-être que cela te permettra d’identifier « là où le bât blesse ».
Piste 2 – Tu es ta meilleure amie
Voici une piste à expérimenter qui m’a été inspirée par des consoeurs coachs. L’idée serait de faire comme si tu étais une amie très proche d’une personne qui vit cette même situation. En fonction des faits que cette amie te présente, comment les analyserais-tu ? Que dirais-tu à ton amie ? Si elle avait besoin de quelque chose que tu pourrais lui apporter pour l’aider dans sa situation, qu’est-ce que ce serait ? Si tu devais donner un message courageux à ton amie, quel serait-il ?
En te plaçant dans les baskets de cette meilleure amie, tu pourras peut-être voir la situation sous un autre angle et te détacher un peu des émotions qui te parasitent en ce moment. Du coup, il est probable que des options émergent en toi, que ce soit en terme de prise de décision, de positionnement ou d’attitude à adopter.
Piste 3 – Faire le contraire de ce que je viens de te proposer
Parce que notre psychisme est ainsi fait que nous sommes des êtres remplis de paradoxes. Par conséquent, je te propose là de te mettre en retrait pour quelques temps de cette situation et d’écouter à fond tes émotions. Autant anticiper sur le paradoxe en l’activant en toute conscience…
Une petite précision toutefois; il ne s’agit pas de tirer des conclusions à la seule « vue » des émotions que tu ressens actuellement. Tu serais alors soumise au biais cognitif du « raisonnement émotionnel » dont je te parlais un peu plus haut dans cette lettre.
Non, là il s’agit plutôt d’observer la « couleur » de tes émotions (si elles sont agréables ou désagréables) en lien avec les relations que tu entretiens avec les différents acteurs de cette situation (ton amie, ton compagnon, toi-même).
Et voir ce que ce petit check-up te dit.
Je reste bien entendu à ton écoute si tu as besoin de débriefer tout ça lors de notre prochaine rencontre.
Je te souhaite le meilleur.
Bien à toi
Christophe
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Bonjour Christophe,
Intéressant comme article, j’aime les pistes que tu proposés.
Le triangle de Kartman ressemble fortement au concept de « parent-enfant-adulte », juste une autre manière d’imager je pense.
En tous les cas, 2 points retiennent mon attention :
– effectivement, l’empathie (ta piste 2) est un excellent moyen de prendre du recul sur la situation. Rien de tel que d’essayer de se mettre à la place de l’autre pour faire avancer une situation (humaine) complexe
– mais surtout (et tu en parles partiellement dans ta piste 3) ne pas s’oublier ! Il est très important de penser à ce qu’on veut et nos objectifs de vie. Trop souvent on fait passer le bonheur et les désirs des autres avant les nôtres. C’est à éviter
Mais en tous les cas, j’aime ton concept des « lettre à toi qui… » la dernière sur ceux qui veulent tout contrôler était aussi très instructive 🙂
Bonjour,
Le cas est intéressant. Votre article donne des pistes pour régler le conflit.
Pourtant je m’interroge sur les personnalités de l’amie et du petit ami. Si ces 2 personnes m’aiment vraiment , ils ne me demanderont pas de choisir. Ils veulent le meilleur pour moi. C’est à eux de chercher un terrain d’entente pour que je sois pleinement heureuse en leur compagnie. L’ultimatum n’est jamais un acte d’amour plutôt une volonté de posséder. Je reste vigilante
Bonjour Sylvie
Merci pour votre message.
En effet, d’un point de vue strictement relationnel, la situation est suffisament explicite pour conclure comme vous le proposez. Je vous rejoins parfaitement sur le fait que lorsqu’une relation est saine, la place aux chantages et autres ultimatum n’existe pas.
Cependant, ma posture tant que coach est de permettre à ma cliente d’aboutir à ce type de prise de conscience par elle-même. L’idée est d’éclairer avec elle des pistes qu’elle n’aurait pas forcément explorées à priori; si cette exploration améliore sa lucidité sur sa situation, alors elle saura (peut-être) mieux comment agir par la suite.
Je pourrais lui donner mon point de vue, mais il ne serait issu que de mon cadre de référence; l’idée est qu’elle trouve d’autres options au sein de son cadre de référence à elle (beaucoup plus riche et complexe car elle est actrice de la situation).