Commençons ce billet par un avertissement; ce que vous allez lire plus bas est susceptible de piquer un peu votre égo. Ce n’est pas le genre de billet « feel good » qui savonne la pente du biais de confirmation et vient renforcer ce que vous croyez déjà à propos de vous, des autres ou du monde qui vous entoure. Aujourd’hui, je vous propose de mettre un peu les mains dans le camboui et débusquer un bon vieux fantôme du placard; celui de l’illusion de l’adolescence éternelle.

L’adolescence; une transition de vie à part entière

Les transitions de vie ont ceci de particulier qu’elles nous obligent à prendre du recul sur notre chemin de vie parcouru jusqu’à présent. Et il n’est pas rare que ce chemin remonte jusqu’à l’adolescence, voire l’enfance. De fait, nous voyons notre vie comme une sorte de continuum qui part de notre enfance pour arriver à l’âge adulte en passant par cette période bien particulière qu’est l’adolescence. 

Pourquoi particulière ? Car cette période est en elle-même une transition de vie. D’ailleurs, nous pouvons largement lui appliquer les trois phases du processus de transition de vie :

  • La Fin (… de la période de l’enfance)
  • La Zone Neutre (avec les incertitudes quotidiennes, la recherche de sens, la quête d’identité, la construction de nouveaux repères, etc.)
  • Le Nouveau Départ (… dans la vie d’adulte avec les projets professionnels, personnels, familiaux, etc)

C’est ainsi qu’au cours de cette période d’adolescence, nous imaginons les grandes lignes de notre vie future. Déjà influencé par certains messages issus de notre enfance (Papa, Maman & Co.), nous continuons à élaborer (idéaliser ?) notre scénario de vie en fonction de nos rêves, de nos aspirations et des nouvelles figures d’influences peuplant notre quotidien (réelles ou fictives).

C’est toujours dans cette période que nous commençons à adhérer à des étiquettes qui nous arrangent et ne tarderont pas à influencer une grande part de notre personnalité (Le Sympa, La Débrouillarde, Le Casse-cou, La Fragile, Le Réservé, La Séductrice, Le Rêveur, L’Amuseur, L’Indépendante, L’Intello., etc.). Sans nous apercevoir, ces étiquettes vont orienter en silence bon nombre de nos attitudes, comportements, choix, décisions et croyances pendant une bonne partie de notre vie.

Ce n’est ni bien, ni mal; c’est juste que ce qui nous aidait à nous construire à une période comme celle de l’adolescence, devient très limitant voire destructeur bien des années plus tard quand le contexte n’est plus le même.

Exemples :

  • Le Sympa qui finit en burnout parce qu’il ne sait pas dire non à ses collègues ou sa hiérarchie;
  • La Débrouillarde qui stresse à mort parce qu’elle n’arrive pas à déléguer certaines tâches chronophages à ses collaborateurs;
  • Le Casse-Cou qui connaît de multiples problèmes de santé parce qu’il ne connaît pas ses limites;
  • Le Réservé qui a des difficultés à se positionner dans les relations parce qu’il surévalue le regard des autres;
  • La Séductrice qui galère à se stabiliser dans une relation parce que son besoin de reconnaissance n’est jamais assez satisfait;
  • etc.

Prendre de la distance avec l’adolescence éternelle plutôt que la prendre en pleine poire.

Seulement voilà; les années passent et surviennent à un moment ou un autre des événements de vie venant radicalement remettre en question toutes ces projections de nous-mêmes au regard du monde extérieur. En général ce sont tous les « grands » changements qui marquent les tournants de notre existence (séparation, perte d’emploi, maladie, deuil, déracinement, départ des enfants, accident, etc.). Par un phénomène de prise de recul instantané (choisi ou subi) on constate alors le décalage (parfois énorme) entre le Réel de notre vie et l’Imaginaire que nous avions créé et cultivé depuis notre adolescence.

Et prendre ce décalage en pleine figure, et bien ça pique un peu !!

L’idée pour atténuer un peu le choc et reprendre les rennes de sa vie serait alors de lâcher quelques rêves du passé devenus des chimères pour nous concentrer sur ce qui est à notre portée aujourd’hui.

Plutôt que lutter contre le courant du fleuve de la vie et nous accrocher désespérément à des idéaux d’une époque révolue, il serait préférable d’aller dans le sens du courant tout en orientant nos choix et nous diriger vers de nouveaux horizons.

Dans tout processus de Fin, il y a le passage obligé du Désenchantement. J’en avais parlé dans la seconde partie du billet sur les 5 chevaliers des transitions de vie. Et bien là, on est en plein de dedans. Je reprends un passage de l’article qui illustre bien de quoi il s’agit :

« Ce que vous percevez du chevalier Désenchantement : Quelqu’un de froid, détaché et cash dans ses propos, ne passant pas par quatre chemins pour vous montrer qu’une part importante de votre ancienne réalité n’était qu’une vue de votre esprit, un film que vous vous êtes construit et auquel vous avez adhéré sans réserve.

 

Ce qu’il souhaite en réalité : vous amener à prendre conscience que ce que vous avez cru vrai à un moment donné de votre vie, ne l’est pas forcément pour TOUTE votre vie. En vous aidant à reconsidérer ou à lâcher quelques-uns des piliers qui soutenaient votre cadre de référence, il vous permet d’en bâtir de nouveaux sur une place nette. Bon, on est d’accord que le travail est parfois super douloureux; mais, entre nous, je crois que messire Désenchantement s’en bat l’œil. »

On voit bien ici tout l’enjeu de se détacher des illusions qui autrefois étaient des idées ou des rêves qui se sont transformées en certitudes sur ce qu’il adviendrait de nous dans notre vie.

Avant de déprimer

Bon, je vous l’avais annoncé dans l’intro; ce billet est digne d’une journée d’automne, froide et pluvieuse. Pour autant, pour conclure ce billet avec un rayon de soleil, laissez-moi vous raconter une histoire, celle de Dieu, l’arbre et le fruit *.

Cette légende raconte qu’au commencement du monde, il n’y avait sur la Terre que des pierres, des animaux et des arbres.

 

Un matin, l’un d’eux sentit un poids inhabituel au bout d’une de ses branches. C’était un fruit. Un tout petit fruit, un peu gris, un peu vert. les feuilles de l’arbre frémirent de bonheur. Il s’emplit de sève et agita doucement ses branches. il était heureux de porter ce fruit. il regarda autour de lui et vit que les autres arbres n’en portaient pas.

 

Sa joie n’en fut que plus intense.

 

Dès lors, il veilla jour et nuit sur son fruit. Il le protégea des pluies et des neiges. Lorsque vint la saison du soleil, le fruit changea de couleur. Il se teinta de jaune, puis d’orange, puis vira au rouge. Puis il grossit, encore et encore, et devint un beau fruit luisant et appétissant. Il était prêt à tomber.

 

Mais l’arbre ne le voulut pas.

 

Dieu vit cela et fit souffler un grand vent. L’arbre retint son fruit de plus belle. Le Créateur appela une tempête. Mais l’arbre tient bon. Alors Dieu descendit sur Terre et demanda à l’arbre les raisons de son entêtement.

 

L’arbre répondit : « Eternel, je ne veux pas perdre ce qui m’est le plus cher.« 

 

Alors le Créateur dit : « Il est une loi que j’ai édictée. Cette loi veut que dans chaque fruit demeure une graine de toi-même. Cette graine ne peut vivre que si ton fruit tombe et meurt. Si tu acceptes cette loi, tu verras paraître mille arbres à ton image. Si tu ne respectes pas cette loi, tu demeureras seul, et tu disparaîtras. La décision t’appartient. »

 

L’arbre comprit qu’il lui fallait laisser choir son fruit à terre. C’est ce qu’il fit.

 

Bientôt, une forêt entière apparut. Et tous les arbres de cette forêt étaient chargés de fruits, ce qui remplit d’allégresse le premier d’entre eux. 

 

Une autre légende dit aussi qu’une femme passant par là, cueillit l’un des fruits et le croqua.

Qu’elle enfreignit ainsi une autre loi.

Et qu’elle eut alors de gros ennuis.

Mais cela est une autre histoire…

* »Former par les contes ». Philippe Coste et Martine Bigeard. Editions Eyrolles.


Si vous aussi voulez lâcher certaines illusions du passé mais ne savez pas trop comment vous y prendre, contactez-moi ici; nous pouvons travailler ensemble.


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