Partager la publication "Faire face à un problème : 5 stratégies souvent utilisées (partie 2/2)"
Pour faire face à un problème, de très nombreuses stratégies existent. Une équipe de chercheurs canadiens a mis à jour cinq stratégies répondant à cet objectif. Leurs résultats ont montré que seules deux d’entre elles étaient vraiment efficaces. Dans le précédent article, nous avons vu que la stratégie de modification de la situation en faisait partie, si et seulement si, la situation était sous votre contrôle. En revanche, certaines personnes adoptent parfois une autre stratégie qui, même si la situation est contrôlable, est complètement inefficace; c’est la stratégie de la résignation / déresponsabilisation. Aujourd’hui, il nous reste à voir trois autres stratégies utilisées pour faire face à un problème.
Contrairement au contexte du précédent article, il sera question ici de stratégies utilisées quand la situation n’est pas contrôlable; donc quand vous êtes face à une situation problématique qui ne dépend pas de vous.
Stratégie #3 – Le lâcher-prise
- Contrôlabilité de la situation : non.
- Efficacité de la stratégie : oui.
- Durabilité du résultat : oui.
Bravo à celles et ceux qui l’avaient déjà deviné la dernière fois quand je vous mettais au défi.
Oui, ce fameux lâcher-prise qui nous est rabâché à longueur de temps. Pourtant, on le voit une fois de plus grâce à cette étude, il s’agit de la stratégie la plus efficace pour faire face à un problème qui ne dépend pas de vous.
Mais qu’est-ce que signifie « lâcher-prise » en fin de compte ?
Vous pouvez par exemple commencer par accepter tout ce qui compose votre réalité; les « bonnes » choses comme les moins bonnes, aussi bien chez vous que chez les autres ou dans le monde qui vous entoure. Matthieu Ricard, célèbre moine bouddhiste français propose cette formule que j’aime beaucoup :
« dire oui à ce qui est »
Autre piste que j’avais déjà partagée il y a quelques temps dans le cadre des prises de décisions : diminuer le niveau de vos attentes vis-à-vis des situations que vous rencontrez. Autrement formulé, c’est accepter que vous n’ayez pas le contrôle sur tout et encore moins sur les autres ou sur les résultats de vos actions.
En lien avec les articles récents sur les biais cognitifs, lâcher-prise c’est aussi reconsidérer l’importance d’un problème en évitant de tomber dans le biais de catastrophisation ou celui de disqualification du positif.
Enfin, last but not least, lâcher-prise c’est choisir les combats que vous voulez mener en étant lucide sur les enjeux de la situation que vous qualifiez de problème. Pour faire très simple, la question à se poser est « le jeu en vaut-il la chandelle ? » tout en ayant conscience de ce qui dépend de vous et ce qui ne dépend pas de vous dans la situation.
Stratégie #4 – L’acharnement
- Contrôlabilité de la situation : non.
- Efficacité de la stratégie : non.
- Durabilité du résultat : non.
A l’opposé de la stratégie du lâcher-prise, nous avons la stratégie de l’acharnement. Celle qui consiste à faire toujours plus de la même chose en espérant un résultat différent. S’obstiner à vouloir changer une situation qui ne dépend pas de vous, va vous conduire tout droit vers un ensemble de sentiments tous plus désagréables les uns que les autres; frustration, colère, culpabilité, découragement, impuissance étant les plus courants.
L’acharnement c’est aussi vouloir atteindre coûte que coûte des objectifs irréalistes. De là, deux cas de figures se présentent.
- Si vous êtes à l’origine de ces objectifs irréalistes, la situation est contrôlable et je vous renvoie alors à la stratégie #1 vue la dernière fois, modifier la situation; dans le cas présent ce serait donc revoir la faisabilité de vos objectifs.
- Si en revanche, ces objectifs irréalistes vous sont imposés (situation assez fréquente dans le milieu professionnel), alors vous êtes dans la catégorie de ce qui ne dépend pas de vous. Vous acharner à atteindre ce qui est inatteignable conduit inévitablement à l’épuisement. C’est à ce moment-là que la lucidité est requise quant aux décisions que vous pourrez prendre si la situation perdure. Il en va de votre santé mentale et physique.
Enfin une dernière façon de s’acharner sur une situation qui ne dépend pas de vous serait de prendre en charge de problèmes qui appartiennent aux autres. Et comme son nom le laisse supposer, une charge représente un poids à supporter. Si cette charge relève de votre responsabilité et qu’elle devient trop lourde à porter, je vous renvoie à l’une ou l’autre des stratégies efficaces pour faire face à un problème (modifier la situation ou lâcher-prise).
Si en revanche, cette charge que vous portez relève de la responsabilité de quelqu’un d’autre, alors vous risquez là encore de vous épuiser à terme.
Concernant cette notion d’acharnement, je trouve souvent de la confusion chez mes clients avec le sacro-saint principe de « persévérance ». Combien de messages, images et autres citations sur les réseaux sociaux prônent le fait de ne jamais rien lâcher. Et nous sommes là devant un sacré paradoxe du développement personnel; à savoir « Ne jamais abandonner face à l’adversité tout en lâchant-prise sur ce qui échappe à votre contrôle. » (Si vous voulez savoir comment lever ce paradoxe, cliquez sur le lien)
Stratégie #5 – L’évitement
- Contrôlabilité de la situation : peu importe.
- Efficacité de la stratégie : oui à court terme. non à moyen et long terme.
- Durabilité du résultat : non.
Cette stratégie fait plutôt partie des stratégies générales pour faire face à un problème. Là, peu importe que la situation soit contrôlable ou pas. La stratégie d’évitement entraîne deux types de comportement :
- L’évitement par anticipation consistant à vouloir s’éloigner d’une situation que vous jugez problématique avant qu’elle ne se présente.
- La fuite pure et simple qui consiste à s’extraire d’une situation dans laquelle vous vous trouvez et qui vous pose un problème (avec une exception notable pour la fuite dans un but de survie, par exemple fuir une relation ou un environnement toxique mettant en péril votre équilibre psychique et/ou physique)
A noter aussi que quand on parle d’évitement, c’est plus en réaction aux émotions désagréables liées à la situation, qu’au caractère « problématique » de la situation elle-même. Et par émotions désagréables citons dans le désordre, la peur, la colère, la tristesse, la frustration, l’anxiété, l’impatience ou le doute.
Et c’est là que le bât blesse.
En effet, il n’est pas rare de voir se développer des conduites d’anesthésie émotionnelle en guise de stratégie d’évitement; ces conduites prennent souvent la forme de conduites addictives (drogues, alcool, jeux, sexe). Si le soulagement de l’inconfort émotionnel est rapide et efficace à court terme, la situation à laquelle la personne veut échapper (et les émotions qui vont avec) se présentera à nouveau dès que les effets anesthésiants se seront dissipés. D’où la récurrence de consommation ou les rechutes fréquentes en cas de sevrage.
Ceci dit, ne croyez pas que la stratégie d’évitement est le seul apanage des personnes souffrants de conduites addictives. Le petit voyant de la voiture qui clignote et qu’on ne veut pas voir, le collègue qui chaque matin vous fait une remarque bien lourde sur votre tenue et auquel vous répondez timidement par un sourire forcé, la rencontre qui pourrait vous amener des opportunités et à laquelle vous n’assistez pas par crainte de parler en public, les situations conflictuelles récurrentes avec votre conjoint(e) que vous n’osez pas aborder par peur du conflit, etc. C’est ce que j’ai appelé dans un précédent article « l’art de faire l’autruche ».
Les situations où la stratégie d’évitement entre en jeu sont légions et nous concernent tous à différents degrés. Là encore, si la stratégie se montre efficace à court terme car elle soulage d’un certain inconfort, elle génère à moyen et long terme plus d’inconvénients que d’avantages : baisse d’estime de soi, culpabilité ou remords font partie du lot.
Enfin et pour conclure, il existe d’autres comportements s’apparentant à de l’évitement; tous ceux dont le but est de vous éviter de penser à la situation problématique à laquelle vous devez pourtant faire face (shopping compulsif, jeux vidéos, sport à outrance, travail sans relâche, etc). Là encore, si le résultat à court terme est efficace (vous ne pensez plus au problème), à moyen terme, la stratégie de l’évitement est clairement inefficace.
Pensez à partager cet article avec vos amis sur les réseaux…
Bonjour Christophe,
Merci pour cet excellent article, il m’a rappelé une phrase de Viktor Frankl :
« Entre les événements et notre comportement, existe un espace. Cet espace est notre pouvoir de choisir. C’est là que se situe notre liberté ».
J’aime beaucoup cette phrase car pour moi, elle renvoie à la notion très claire d’acceptation. J’ai par contre, beaucoup plus de mal avec la notion de lâcher prise que le Larousse définit comme le moyen de libération psychologique consistant à se détacher du désir de maîtrise. Dans mon expérience personnelle, une prise de décision importante s’effectue en deux étapes :
Une première phase d’acceptation au sens strict du terme, qui d’est arrêter de vouloir changer les expériences et, au contraire, créer de l’espace pour elles. Pour bien comprendre cette notion, il faut rappeler l’origine latine du mot « accipere » qui signifie : « recevoir avec égards, accueillir ». Accepter ne veut pas dire adopter une attitude passive envers tout, c’est ne pas surréagir, garder son calme et ses facultés d’observation.
Et dans un deuxième temps (phase où tu te situes dans l’article), si même avec le recul, on ne voit plus de moyens d’agir, alors il est judicieux de prendre la décision de lâcher prise pour permettre la résilience. Renoncer à atteindre des objectifs inatteignables est alors la meilleure stratégie, car cela permet de recentrer son énergie sur de nouveaux objectifs à même de combler ses besoins autrement.
Dans ma compréhension actuelle, l’acceptation et le lâcher prise sont deux notions différentes. L’acceptation est un état d’esprit, tandis que le lâcher prise (tel que défini par Larousse) est l’acte libérateur par lequel on renonce au désir de vouloir tout contrôler (cf. ton article sur les 5i de la vie) et tout comprendre. Mais j’avoue qu’un éclairage de ta part sur cette notion de lâcher prise, peut-être à l’occasion d’un prochain article, serait le bienvenu.
Bonjour Jean-Claude
Merci pour ton commentaire très intéressant.
Cette phrase de Frankl est aussi l’une de mes préférées. Je l’utilise très régulièrement dans mes ateliers pour illustrer la notion de choix comportemental face à une situation. C’est marrant, je ne la voyais pas comme une illustration de l’acceptation, mais plutôt comme celle d’une prise de recul à l’instant t afin d’observer la situation, nos émotions et nos pensées qui y sont liées. Cette observation nous permettant à l’instant d’après de « choisir » notre réponse à la situation.
En même temps, je crois qu’on tourne autour du pot, car les deux argumentations se rejoignent volontiers l’une et l’autre 🙂
Cocnernant ton regard sur le lâcher-prise VS l’acceptation, je te dit un grand MERCI car il vient aussi éclairer ma lanterne. J’ai en effet une tendance à situer l’un et l’autre dans le même champs; mais ta proposition m’interpelle et me donne effectivement l’envie de creuser un peu le sujet.
Ce sera donc du tout bon pour un prochain article 😉